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une fermeté stoïque. « La mort est pour moi, dit-il à son fils, le commencement d’une vie nouvelle. »

Outre ses écrits déterminés par les circonstances politiques, il avait publié des esquisses historiques sur plusieurs personnages éminens de l’histoire néerlandaise, Jean de Witt, Schimmelpenninck, Falck, l’amiral Ver Huell, etc. Ses jugemens dénotent une très grande largeur de vues, et en particulier, quand il apprécie le rôle de la France en Hollande au temps de la révolution et de l’empire, il est d’une impartialité qui touche à la sévérité pour ses compatriotes. Il est souvent d’avis que, si la France républicaine et impériale eut des torts graves envers un peuple qui l’avait accueillie en alliée et non en conquérante, les Hollandais doivent s’accuser tous les premiers de les avoir en quelque sorte provoqués par leurs propres fautes. C’est un genre de vérités qui n’a bonne grâce que dans la bouche d’un Hollandais de naissance. Il s’occupa aussi de quelques hommes d’état étrangers, entre autres de M. Guizot, dont il admirait beaucoup le talent, mais dont il censura en termes très vifs le système politique. On n’a rien trouvé dans ses papiers qui puisse fournir la matière d’un livre posthume, si ce n’est pourtant un cahier sur lequel, à différentes époques, il avait consigné des pensées détachées sous forme de maximes. Une obligeante communication de son fils nous permet de reproduire quelques spécimens de ces pensées inédites, dont il faut espérer que la publication complète ne se fera pas trop attendre.


« Le mal, comme la maladie, est possible, et même à prévoir dans un monde où, en vertu de la loi divine, chaque être et chaque organe doit se développer de lui-même avec une puissance qui ne croit qu’avec lenteur. En un sens, on peut dire que la création recommence avec chaque être en particulier, mais avec un pouvoir limité. En vertu de la même loi divine, à mesure que le développement de l’ensemble et de ses parties se rapproche de l’harmonie parfaite, le mal est vaincu. »

« Le monde et l’humanité, — une création continue, recommençant avec chaque individu, mais en rapport nécessaire avec la société contemporaine aussi bien qu’avec les générations qui précèdent et celles qui suivent. »

« Qu’on se représente un instrument de musique, une piano par exemple, animé d’une vie intérieure, et dont chaque ton devrait se former graduellement lui-même et en même temps chercher à réaliser les intervalles, l’accord, la mélodie et l’harmonie avec chacun des autres et avec leur totalité, — on aura une faible idée de ce qui se passe dans le monde. »