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organisation française. Notons toutefois que la constitution hollandaise ne connaît pas le jury, que les juges sont nommés par le roi, mais sur une liste de présentation dressée par les corps politiques ou judiciaires, enfin que les soldats, recrutés par la voie du tirage au sort, ne peuvent être envoyés dans les colonies que s’ils y consentent. Quant à l’instruction publique, l’état se déclare tenu de la donner partout dans une mesure suffisante et en respectant les croyances religieuses de tous. Du reste l’enseignement est libre, mais tous les maîtres doivent présenter les mêmes garanties de savoir et de moralité. Chacun professe en toute liberté ses opinions religieuses, la société se réservant seulement le droit de se protéger, elle et ses membres, contre les entreprises prévues par le code pénal. Toutes les églises sont également protégées. Les cérémonies des divers cultes ne sont licites qu’à l’intérieur des édifices consacrés, sauf dans quelques endroits où des règlemens antérieurs en avaient autorisé la célébration en plein air[1]. L’état assure aux diverses confessions le maintien des traitemens dont jouissent actuellement leurs ministres, il peut même créer des places nouvelles ; mais, tout en veillant à ce que chaque église reste dans les limites tracées par les lois, il s’abstient de toute intervention dans leur régime intérieur. En fait, l’église et l’état sont séparés ; le lien des subsides, qui les unit encore, n’est plus qu’un détail budgétaire ressortissant au ministère des finances. Enfin la presse est libre, soumise au droit commun, et les habitans du royaume jouissent pleinement du droit de se réunir et de s’assembler, sauf la soumission aux règlemens d’ordre public édictés par une loi spéciale.

Telle est en résumé cette constitution, qui a enfin donné à la Néerlande des institutions en harmonie avec le libéralisme de ses mœurs. C’est Thorbecke, cette fois encore, qui fut le promoteur le plus actif de la réforme constitutionnelle. Il dut affronter de vifs débats. La première chambre surtout, qui se sentait condamnée, se montra pleine de terreurs. La liberté d’enseignement, la séparation de l’église et de l’état, la limitation systématique du pouvoir personnel de la couronne, les élections directes, le droit pour ainsi dire absolu de réunion, faisaient bondir les vieux conservateurs autour de leur table verte. Thorbecke l’emporta de haute lutte, mais non sans de pénibles sacrifices. Depuis 1839, ses idées en matière d’élection s’étaient modifiées : non seulement il était devenu partisan des élections directes, ce système lui paraissant indispensable à l’autorité comme à la vigueur des corps élus, mais de plus

  1. Ceci vise les communes rurales catholiques de quelques provinces, du Brabant surtout, où il n’y avait pas de motifs d’ordre public pour interdire des processions auxquelles la population tenait beaucoup.