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aux mesures nécessitées par l’urgence du remède. Le 21 octobre 1839, le discours de la couronne annonça que des changements à la constitution seraient proposées aux chambres. Pour couvrir la dignité royale, on ajoutait que ces changemens étaient rendus nécessaires par la séparation définitive de la Belgique ; mais par suite de cette maladresse, trop souvent fille du mauvais vouloir, qui compromet les actes des gouvernemens entraînés dans une voie qui leur déplaît, Guillaume Ier perdait par une mesure arbitraire tout le bénéfice de son initiative réformiste. Pour parer aux embarras financiers les plus pressans, il concluait en dehors des chambres avec la Société de Commerce un emprunt considérable. En même temps on apprenait que le vieux roi songeait sérieusement à épouser la comtesse d’Oultremont, Belge, catholique fervente, et dont l’influence sur son amant couronné paraissait des plus fâcheuses. Le peuple hollandais sentait diminuer tous les jours sa confiance dans les intentions de son souverain. Les réformes constitutionnelles proposées par le gouvernement parurent mesquines, insuffisantes, on y soupçonnait des arrière-pensées. Le roi faisait pourtant de son mieux pour satisfaire l’opinion. Averti de l’effet malencontreux de ses projets matrimoniaux, il les avait fait démentir officiellement. Il consentait à la diminution de la liste civile, au règlement de l’électorat par une loi générale, à la transmission aux états du droit de disposer des revenus coloniaux, à la fixation pour deux ans, au lieu de dix, du budget, qui serait désormais discuté et voté par chapitres, et à quelques autres modifications de moindre importance. Le pays réclamait beaucoup plus. Thorbecke et ses amis n’eurent pas de peine à démontrer que ces réformes n’aboutiraient à rien tant qu’on n’inscrirait pas dans la constitution le grand principe de la responsabilité ministérielle, cette réforme radicale sous son apparente modération, sans laquelle les autres demeureraient une lettre morte. Quand on revient aux polémiques de ce temps en Hollande, on les rapproche involontairement de celles que l’opposition sous le second empire, M. Thiers en tête, dirigeait avec tant d’insistance contre le gouvernement impérial. Il y avait chez le vieux roi une profonde répugnance cotre tout ce qui devait lui enlever réellement le pouvoir personnel ; mais l’opinion passait de plus en plus du côté des libéraux, le gouvernement dut encore céder, avec le consentement apparent de Guillaume Ier. Celui-ci pliait devant un orage qu’il n’osait plus défier. Habitué depuis vingt-six ans à tout faire par lui-même, il se considérait comme destitué. Il accusait le peuple hollandais d’ingratitude, la couronne lui était à charge, et un beau jour, le 7 octobre 1840, tandis que la cour était au château du Loo, la Néerlande fut surprise par la nouvelle que le roi abdiquait en faveur de son fils, le prince d’Orange. Il faut désormais, disait-il,