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C’est en Belgique, où il n’y avait pas les mêmes illusions optimistes, que sous l’influence des idées françaises l’opposition libérale prit naissance et grandit. Des voix qui ne partaient plus désormais du camp clérical réclamèrent d’un ton toujours plus impérieux la réforme de la constitution, l’introduction du principe de la responsabilité ministérielle, des élections directes, le jury, toutes les conditions, en un mot, du gouvernement parlementaire. Bientôt, par une coalition plus habile que morale, les libéraux belges et le clergé unirent leurs efforts pour faire brèche au gouvernement néerlandais. Si le roi Guillaume eût été alors bien inspiré, il eût prêté l’oreille à ceux qui lui montraient, dans la séparation politique et administrative des deux nations, le meilleur moyen de rester roi à Bruxelles comme à La Haye ; mais le roi était absolument contraire à une telle combinaison. Il aurait dû, dans cette hypothèse, accorder à la Belgique, un régime parlementaire plus complet que celui qu’il avait établi en Hollande ; cela lui paraissait inadmissible. Sa politique personnelle l’entraîna dans de grandes fautes. Elle fut vacillante, variable, tantôt indulgente jusqu’à la faiblesse, tantôt sévère jusqu’à la rudesse.

Un jour, à la fin d’une période marquée par de nombreuses concessions de détail, il rompt ouvertement en visière avec l’épiscopat, fonde à Louvain le « Collège Philosophique », dont les futurs séminaristes eux-mêmes étaient forcés de suivre les cours, et fait expulser par la gendarmerie des prêtres d’origine étrangère qui protestaient. Un peu plus tard, il signait avec la cour de Rome un concordat qui blessait les protestans sans contenter les catholiques, et qui resta lettre morte. Quelque temps après il froissait les provinces wallonnes et même une bonne partie de la bourgeoisie flamande en rendant l’usage de la langue hollandaise obligatoire, et il exaspérait les libéraux en faisant poursuivre et condamner au bannissement plusieurs de leurs chefs marquans, ce qui ne l’empêchait pas d’applaudir à la révolution de juillet et d’être le premier des souverains à reconnaître la royauté de Louis-Philippe. On sait le reste. La révolution parisienne ne tardait pas d’avoir son contre-coup à Bruxelles, l’alliance des libéraux et des cléricaux fit le succès du mouvement. En vain le peuple hollandais, prenant fait et cause pour son roi, lui fournit autant d’hommes et d’argent qu’il en avait besoin pour rentrer en conquérant, dans le pays qui le répudiait comme souverain. La campagne de dix jours, vigoureusement et habilement menée par son fils, le prince d’Orange, fut inutile, la France allait intervenir, l’Angleterre l’appuyait, les autres puissances demeuraient inertes. La prise de la citadelle d’Anvers en 1832 acheva l’œuvre de la révolution belge.


À ce moment, le roi Guillaume aurait dû se résigner devant le fait accompli et accepter la convention arrêtée par la conférence de