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nastie hollandaise la responsabilité des abus, souvent très imaginaires, dont cette masse croyait avoir à se plaindre.

Guillaume Ier avait tenu sa parole en donnant au pays une loi fondamentale, acceptée pas les états-généraux, et qui devait garantir à la fois les droits de la couronne et les libertés nationales ; cependant il semble qu’il ne se soit jamais rendu un compte bien clair des conditions essentielles d’un régime réellement libéral. Quant à lui, il se sentait libéral dans ses idées et sa politique ; mais il en tirait trop aisément la conclusion que les intérêts du libéralisme et ceux de son pouvoir personnel ne faisaient qu’un. Il voulait faire lui-même et directement les choses dont il attendait l’accroissement de sa popularité. Le fait est, que la constitution néerlandaise de 1814, un peu modifiée en 1815 en vue de l’union avec la Belgique, était rédigée de façon à laisser à la couronne une prépondérance presque absorbante. Par exemple, le roi n’avait pas voulu entendre parler de responsabilité ministérielle. Il n’y avait pas de cabinet homogène, de vrai ministère, il n’y avait que des ministres du roi. Le roi se faisait fort de traiter avec la représentation nationale et de s’entendre à l’amiable avec elle ; mais cette représentation, comment était-elle constituée ? Les états-généraux étaient formés par les deux chambres. La première, toute semblable à notre chambre des pairs sous Louis-Philippe, se composait de 40 à 60 membres nommés à vie par le roi parmi les citoyens notables ; c’était donc le roi bien plus que le pays qu’elle représentait.

Les membres de la seconde étaient élus par les états provinciaux, nommés eux-mêmes par des colléges électoraux dont la composition variait selon les provinces et les villes, et dont les électeurs n’étaient renouvelés que rarement. Assurément l’idée avait été excellente de faire appel à l’élément provincial, si puissant dans l’ancienne confédération, et de lui attribuer une importance marquée dans le nouvel organisme ; l’erreur était d’appliquer à la constitution d’une seconde chambre, destinée à représenter la nation dans sa totalité indivise, une force qui fournissait bien plutôt les élémens d’une chambre des pairs ou d’un sénat. En fait de représentation nationale, le peuple néerlandais n’en avait guère plus que l’ombre. Cela n’avait pas détourné les auteurs de la constitution de multiplier les mesures destinées à empêcher cette ombre de prendre corps. Par exemple, le budget ordinaire était voté pour dix ans, et on ne pouvait le discuter que par ministères. Le roi, tout en se montrant toujours fort gracieux pour les états-généraux, ne se gênait pas pour régler par simple décret ce qui eût été de leur compétence. Les finances étaient fort obérées, et là surtout un contrôle indépendant eût été nécessaire : on imagina un syndicat d’amortissement à la nomination du roi, et dont le fonctionnement tendait à réduire encore le pou-