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pour le public un objet d’études toutes nouvelles, une source de révélations d’autant plus intéressantes que, depuis l’abbé de Marolles jusqu’à Mariette lui-même[1], aucun curieux, aucun, érudit, ne s’était avisé de porter son attention sur ce point. La lumière une fois faite, n’était-ce pas un devoir pour le garde du cabinet de distraire des divers recueils où elles figuraient ces pièces de nature homogène, de les rassembler comme on avait déjà rapproché les unes des autres les vieilles pièces xylographiques ou les estampes en camaïeu ?

Delà l’inappréciable suite qui, avec les acquisitions faites plus tard, ne comprend pas aujourd’hui moins de 136 nielles. Composée en majeure partie de ceux qui avaient appartenu à Marolles et dans lesquels il n’avait pas su reconnaître les produits d’un art particulier, augmentée depuis le commencement du siècle où nous sommes par les soins de M. Duchesne, qui s’était spécialement appliqué à la recherche et à l’étude de ces œuvres primitives, enfin enrichie tout récemment de plusieurs pièces dignes d’avoisiner les délicates raretés recueillies à d’autres époques, — la collection des nielles conservés à la Bibliothèque nationale est sinon la plus nombreuse, au moins la plus belle et la plus variée que l’on ait encore réunie. Même sans compter la paix de Finiguerra, qui suffirait à elle seule pour mettre hors pair le cabinet où elle se trouve, une pareille série défie toute comparaison avec les collections du même genre que l’on a formées ailleurs, à l’imitation de la nôtre et à la lumière des enseignemens publiquement fournis par Zani après sa découverte. Ce n’est pas un mince honneur pour le cabinet de France d’avoir été à la fois le théâtre prédestiné à cette découverte et le premier centre des efforts qui devaient la féconder.

Les dernières années du XVIIIe siècle, bien qu’elles n’aient été signalées par aucune acquisition importante au dehors, marquent donc dans l’histoire du département des estampes une phase de progrès et en un certain sens d’accroissement, puisque des richesses si longtemps ignorées ou négligées viennent, à partir de ce moment, s’ajouter à celles dont le prix et l’utilité avaient été reconnus dès l’origine. Est-ce pour compléter de ce côté les récentes conquêtes, est-ce dans l’espoir de découvrir encore quelque filon caché que Joly fils entreprit de dresser à nouveau un inventaire détaillé de tout ce que possédait le département ? Toujours est-il que

  1. La correspondance de Mariette avec le chevalier Gaburri nous apprend qu’il faisait de son mieux pour se procurer quelques renseignemens sur Finiguerra et sur ses travaux, mais elle ne prouve pas qu’il songeait à établir une distinction entre les épreuves de nielles et les épreuves tirées sur des planches formellement gravées en vue de l’impression.