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renommée légendaire de Finiguerra désormais fondée sur un témoignage irréfragable. Dira-t-on que, depuis le jour où le chef-d’œuvre conservé au cabinet des estampes a reçu cette consécration éclatante, deux ou trois autres découvertes ont été faites, qui tendraient à dédommager l’Allemagne de l’échec qu’elle avait subi ? Nous ne songeons nullement à nier que la gravure, eu tant que procédé matériel, ait pu être pratiquée par des artisans de Nuremberg ou d’Augsbourg à l’époque ou même un peu avant l’époque où Finiguerra travaillait à Florence. Certains essais de grossière imagerie assez récemment remis en lumière[1] ne laissent pas en ce sens de mériter quelque attention ; mais qu’y a-t-il là qui intéresse l’art à proprement parler ? La curiosité tout au plus ou le rigorisme archéologique y trouverait son compte. Qu’importent donc les trouvailles de cette espèce faites ou à faire, les démentis que la production de quelque méchante image antérieure à l’année 1452 aura pu ou pourra donner en apparence à la gloire du maître florentin et à la sagacité de Zani ? L’épreuve de la paix que possède la collection de France n’en est et n’en demeurera pas moins le plus ancien monument de l’art, comme Finiguerra est en réalité l’inventeur de la gravure, puisqu’il a su le premier en deviner, en révéler les ressources et élever un simple procédé industriel à la hauteur d’un moyen d’expression pour le beau. Que la paix de Florence, si l’on n’a égard qu’à la stricte chronologie, ne doive pas être considérée comme une œuvre absolument sans précédens, comme le spécimen unique des essais primitifs du métier, cela est possible ; toujours est-il qu’aucune des tentatives antérieures ou contemporaines, aucune pièce, allemande ou non, appartenant à l’époque des incunables, ne permettrait de soupçonner ce que nous montre cette estampe si justement célèbre. Donc celui qui l’a faite, loin de rien usurper, a légitimement tout conquis.

En ôtant ainsi tout prétexte aux hostilités présentes aussi bien qu’aux contestations futures, Zani ne faisait pas seulement que rétablir les titres d’un grand artiste, ou qu’assurer à notre collection nationale un privilège dont aucune collection rivale n’arriverait jamais à la déposséder. Grâce à lui, les pièces analogues par le caractère du travail à cette estampe précieuse entre toutes se trouvaient désormais former une classe à part dans la série des monumens anciens de la gravure, et les nielles, confondus jusqu’alors au cabinet des estampes avec les premiers ouvrages exécutés suivant les procédés de la taille-douce, devenaient pour les artistes comme

  1. Une Flagellation par exemple, portant la date de 1446, décrire par M. Renouvier, et une Vierge de 1451, qui faisait partie de la collection Weigel, vendue il y a quelques mois à Leipzig.