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de restauration domestique, se vit appelé au poste que son père, déjà presque octogénaire et à demi frappé de cécité, ne pouvait plus reprendre, il se trouvait et il retrouvait le département lui-même dans les conditions matérielles où ils eussent été l’un et l’autre si nul changement politique ne fût survenu. Il semblait que ce qui s’était passé dans l’intervalle n’avait eu d’autre résultat que de substituer une nouvelle étiquette à l’inscription autrefois placée sur la porte du cabinet des estampes du roi, et quand deux ans plus tard, en 1797, Joly acquérait, pour la somme de 3,000 livres, l’œuvre fort peu démocratique assurément du graveur Jacques-Philippe Lebas, que faisait-il, sinon continuer l’application des principes dont il avait depuis sa jeunesse reçu la tradition ?

Cependant cette même année 1797 allait être marquée par un événement tout autrement mémorable, par une découverte aussi importante pour l’histoire de l’art lui-même que pour l’honneur du cabinet des estampes. On sait avec quelle passion l’Allemagne et l’Italie se disputaient la gloire d’avoir donné naissance à l’inventeur de la gravure, et dans combien d’écrits, surtout depuis la seconde moitié du XVIIIe siècle, ces revendications en sens contraire s’étaient poursuivies sans néanmoins aboutir à aucun résultat décisif, à la production d’aucune preuve. Forts du témoignage de Vasari, les érudits italiens tenaient pour l’orfèvre florentin Maso Finiguerra, et pour la tradition qui lui attribuait la découverte de l’art[1]. De leur côté, les Allemands, et Heinecke avec plus de hauteur que personne, s’étonnaient qu’on défendît une pareille cause sans pouvoir avec certitude « présenter au public la moindre estampe de ce fameux Finiguerra, » tandis qu’on n’avait en Allemagne que l’embarras du choix entre les pièces authentiques gravées par Martin Schoëngauer et par quelques-uns de ses contemporains ou de ses prédécesseurs. La question était de savoir toutefois si ces estampés, dont les plus anciennes portent le millésime 1466, avaient en réalité précédé les estampés italiennes non datées, et si quelques-unes de celles-ci ne devaient pas, eh raison des caractères mêmes du travail ou par le rapprochement de certains témoignages historiques, faire justice des prétentions de l’Allemagne.

Les choses en étaient là lorsque, au commencement de son séjour à Paris en 1797, le garde du cabinet de Parme, le savant abbé Zani, crut reconnaître parmi quelques vieilles estampes italiennes

  1. Il va sans dire qu’il n’est question ici que de l’impression des planches gravées en creux. Le secret de tirer des épreuves sur un bloc de bois gravé en relief était populaire dès les premières années du XVe siècle, ainsi que le prouvent, entre autres monumens datés, la Vierge de 1418, à la bibliothèque de Bruxelles, et le Saint Christophe de 1423 dans la collection de lord Spencer.