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étaient-elles souvent en aussi mauvais état que le reste, c’est-à-dire « tachées, déchirées ou très faibles d’épreuve. » On ne saurait donc regretter beaucoup pour le cabinet des estampes l’obligation que les événemens lui imposèrent, vingt ans plus tard, de restituer à leurs anciens propriétaires les biens dont les conquêtes de nos armées l’avaient pendant quelque temps rendu détenteur. Sans parler de la question d’équité, il y avait là en réalité plutôt un allégement qu’un préjudice, la plupart des objets réclamés n’ayant guère fait qu’envahir la place réservée jusqu’alors aux œuvres d’un intérêt sérieux ou aux belles œuvres.

Pour nous en tenir d’ailleurs à ce que le département des estampes possède encore du contingent fourni par les réquisitions pendant la période révolutionnaire, deux collections seulement parmi toutes celles dont l’entrée remonte à cette époque nous semblent exiger une attention particulière, ou mériter au moins une mention. L’une, qui avait appartenu à l’ancien ministre émigré Bertin et que celui-ci avait exclusivement composée de pièces chinoises ou japonaises, est devenue le fonds d’une importante série à laquelle d’autres dessins ou d’autres gravures en bois originaires des mêmes pays ont ajouté et ajoutent encore d’année en année des supplémens précieux. L’autre, plus considérable par le nombre, puisqu’elle ne comprenait pas moins de 33,000 pièces, avait été formée par un conseiller au parlement de Paris, M. Nicolas de Tralage, et léguée par lui à la bibliothèque de Saint-Victor, où on l’avait prise avec le reste à l’époque de la suppression des couvens. Transportée au cabinet des estampes, cette volumineuse collection y introduisait un principe nouveau en ce sens que la classification en avait été faite non, comme d’ordinaire, au point de vue de l’art, de l’archéologie ou de l’histoire, mais dans l’intérêt des études relatives à la mythologie. Toute image de dieu, de déesse ou de héros fabuleux, qu’elle procédât du génie antique ou de la fantaisie d’un maître moderne, toute représentation allégorique, quels qu’en fussent la date, les mérites ou les formes, avait sa place dans ce vaste répertoire des fictions figurées, dans ce dictionnaire pittoresque de la fable, conçu à peu près et, sauf la différence des élémens, établi sur le même plan que le recueil historique de Fontette. En rassemblant ainsi des documens de toute provenance et d’une autorité fort inégale, la main de Tralage, il est vrai, se montrait plus active qu’intelligente, et préparait en réalité pour l’avenir une provision de matériaux bien plutôt qu’elle n’édifiait un monument ; mais le travail accompli n’en avait pas moins une utilité véritable. La part une fois faite des doctrines plus impartiales que de raison qui l’ont inspiré, ce n’est que justice de reconnaître ce qu’il a en soi de profitable à un certain ordre d’études, et quels secours il