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Cette extrême probité scientifique ou plutôt cette humilité est au reste une des qualités distinctives de Fontette, une de celles qui caractérisent en toute occasion ses travaux. Il y a quelque chose de touchant dans la simplicité avec laquelle l’inscription placée par lui en tête de sa collection d’estampes rappelle l’honnête passion de l’homme et le dévoûment patriotique du savant. En parlant de son amour, de sa « tendresse » pour l’histoire de France et des « longs efforts » que son travail lui a coûtés, Fontette ne songe qu’à l’utilité des résultats, au profit qu’en pourra tirer autrui. Comme un de ses plus illustres devanciers dans la double carrière de magistrat et d’érudit, comme Etienne Pasquier lorsqu’il publiait ses Recherches au XVIe siècle, il aurait pu dire : « J’écris ici pour ma Fiance et non pour moi, » et certes ces deux mots « ma France » n’eussent fait qu’indiquer avec une stricte justesse l’objet des constantes préoccupations de sa pensée, des plus chères affections de son cœur.

Faut-il conclure de là que tout mérite la même confiance dans les documens dont se compose la collection de Fontette ? Nous ne le prétendons nullement. Si les pièces gravées à partir de la seconde moitié du XVIe siècle et représentant des faits ou des personnages contemporains ont par cela même une autorité, une authenticité incontestable, celles qui retracent des événemens survenus à des époques bien antérieures ne peuvent guère être considérées que comme des œuvres de fantaisie, des allusions plus ou moins ingénieuses aux sujets dont elles sont censées consacrer les souvenirs. Il est évident par exemple qu’une vignette exécutée à douze cents ans d’intervalle en mémoire du baptême de Clovis ne saurait nous renseigner fort utilement sur la vraie physionomie de la scène, ou qu’un portrait de saint Remy, donné pour tel par Grispin de Passe, n’est bon tout au plus qu’à nous apprendre comment au temps du graveur un évêque était vêtu. En outre, systématiquement ou non, Fontette supplée parfois au témoignage direct par l’interprétation détournée, au document qu’il n’a pu se procurer sur tel point historique par quelque équivalent de rencontre. C’est ainsi qu’une estampe de Goltzius représentant en réalité le Jugement de Salomon devient, faute de mieux, « Clotaire, roi de Soissons, faisant massacrer les enfans de Clodomir, son frère, » et que l’image anonyme d’un guerrier allemand du XVIe siècle se convertit en un portrait de Samon, marchand franc, natif de Sens, « lequel, ajoute philosophiquement Fontette, élu roi des Sclavons en 650, renonça à la religion chrétienne pour s’accommoder au goût de ses nouveaux sujets. »

On pourra çà et là, surtout en ce qui concerne les premiers siècles de la monarchie française, rencontrer d’autres témoignages erronés ou suspects, mais on sera d’autant plus mal venu à s’y arrêter que