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accomplis dans notre école sous le règne de Louis XIV et pendant les premières années- du règne de Louis XV. Elles permettent de suivre sans lacune comme sans équivoque l’histoire de cet âge ; d’or de la gravure nationale, et si quelques-unes d’entre elles ont en réalité une origine un peu antérieure, si les œuvres, par exemple, de Callot et de Michel Lasne figurent à côté de celles qu’ont signées plus tard Nanteuil et ses successeurs jusqu’à Drevet, le tout atteste d’autant mieux chez Béringhen la prédilection que lui inspirait à si juste titre l’habileté de nos graveurs.

Gardons-nous donc de voir dans les choix faits par Béringhen une preuve d’étroite intolérance. Ne devons-nous pas, après tout, à un amateur de cet ordre la même gratitude qu’à ceux dont les recherches ont été plus savantes ou les goûts plus éclectiques ? Sans la clairvoyance et le zèle de l’abbé de Marolles, les monumens primitifs de la gravure que la Bibliothèque possède ne nous auraient pas été conservés ; sans les soins pris par le marquis de Béringhen, sans sa bonne volonté tout au moins, les plus beaux spécimens de la gravure moderne auraient couru le risque d’être disséminés à leur tour ou de ne figurer dans la collection publique particulièrement intéressée à les mettre en lumière que sous des apparences imparfaites ou en nombre incomplet.

Les trente premières années du XVIIIe siècle, marquées coup sur coup par les donations ou les acquisitions auxquelles les noms de Clément et de Gaignières, de Gaston d’Orléans et de Béringhen, sont restés attachés, ces années, plus fécondes encore que les années précédentes, avaient été pour le cabinet des estampes une période trop favorisée pour qu’un temps de stérilité relative ne succédât pas forcément à tant d’abondance. C’est ce qui arriva en effet. Pendant un quart de siècle, non-seulement aucun événement renouvelé de ceux dont nous avons indiqué l’importance ne vint, du jour au lendemain, ajouter le surcroît de quelques milliers d’estampes aux séries déjà constituées ou peupler en bloc les rayons vides, mais les occasions d’acquisitions, même partielles, se présentèrent aussi peu que les occasions de recueillir les dons de la munificence royale ou de la générosité privée. Tandis que les autres départemens s’enrichissaient de collections achetées par le roi ou léguées dans leur ensemble par ceux qui les avaient formées, tandis que le cabinet des manuscrits de Colbert, payé 100,000 écus au petit-fils du grand ministre, entrait tout entier à la Bibliothèque, ou lorsqu’un peu plus tard le département des manuscrits recevait à titre gratuit les précieux documens sur l’histoire de France légués par Lancelot, et le département des imprimés 11,000 volumes ayant appartenu à un autre membre de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, le médecin Falconet, — le cabinet des estampes n’avait guère à