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qu’en recueils gravés, suffit pour le maintenir de ce côté encore au niveau, sinon au-dessus, des plus riches dépôts publics.

Cependant la part faite à la science dans les accroissemens du cabinet des estampes ne s’élargissait pas si bien que l’art proprement dit dût en subir quelque préjudice. Tandis qu’en vue d’études toutes spéciales des séries nouvelles étaient constituées, celles qui existaient déjà s’augmentaient en proportion, se complétaient par l’adjonction de certaines pièces à l’œuvre d’un maître, quelquefois même par tout un ensemble d’estampes réunies ailleurs à force de soins et à grands frais. C’est ainsi qu’en 1731 la plus nombreuse collection de gravures qu’un curieux eût formée à Paris depuis Marolles, la collection du marquis de Béringhen, vint ajouter un appoint magnifique à la somme des richesses amassées déjà sur les rayons de la Bibliothèque, et renouveler à plus d’un demi-siècle d’intervalle l’admiration qu’avaient suscitée les raretés ou les chefs-d’œuvre livrés pour la première fois par Colbert aux regards des connaisseurs et du public.

Il semble d’ailleurs que la nouvelle collection qui prenait place parmi les recueils du cabinet du roi eût été, dans la pensée du premier possesseur, prédestinée de tout temps à ce voisinage. Sauf une centaine de portefeuilles ou de paquets contenant quelques milliers de pièces volantes, tout ce qui avait fait partie du cabinet de Béringhen se trouvait, au moment même où la Bibliothèque en reçut livraison, revêtu par avance de l’étiquette royale et pour ainsi dire de la livrée officielle. Quoi de plus simple dès lors et de plus facile que de ranger ces 579 volumes in-folio, reliés en maroquin rouge et aux armes de France, à la suite des volumes absolument pareils dans lesquels on avait réuni les estampes acquises de l’abbé de Marolles ? Telle était, entre autres considérations, celle que Bignon faisait valoir avec une insistance particulière auprès du cardinal de Fleury, alors premier ministre, pour le déterminer à accepter l’offre de cession faite par l’évêque du Puy, fils et héritier de Béringhen. Quant à Béringhen lui-même, en habillant ainsi les recueils qui lui appartenaient, avait-il voulu épargner dans l’avenir à la Bibliothèque une dépense de temps et d’argent, — ou bien n’avait-il fait qu’user, pour l’ornement d’objets à son propre usage, du droit que lui conférait son rang dans la maison du roi, son titre de premier écuyer ? Quoi qu’il en soit, ces volumes dont Bignon pressait le cardinal de Fleury d’ordonner l’acquisition se trouvaient prêts pour une mise en service immédiate et comme consacrés en fait par