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parmi les recueils en état d’être journellement consultés. Et pourtant, par la perfection du travail comme par l’intérêt scientifique qu’ils présentaient, ces dessins méritaient bien qu’on les mît au plus tôt en pleine lumière.

Après avoir appartenu à Gaston d’Orléans, aux frais de qui Nicolas Robert et quelques autres habiles peintres de fleurs les avaient exécutés en prenant pour modèles les plantes cultivées dans le jardin du château de Blois, ils étaient devenus en 1660 la propriété du roi, et depuis lors, par une sorte de droit d’habitude, la propriété temporaire de son premier médecin. Fagon, qui, comme dit Saint-Simon, « aimait la botanique et la médecine jusqu’au culte, » et qui en outre n’était pas d’humeur à « lâcher facilement ce qu’il tenait, » Fagon avait fini par user si bien et si complètement de ce privilège, que, même après la mort de Louis XIV, par conséquent après la fin de ses propres fonctions à la cour, il crut pouvoir transporter avec lui au Jardin des Plantes, dont il était resté le directeur, tous les dessins autrefois légués au roi par Gaston d’Orléans. Il continua d’en disposer pour ses études personnelles ou pour celles de ses amis sans s’émouvoir, à ce qu’il semble, des réclamations qu’on lui adressait parfois de Versailles, encore moins des plaintes provoquées dans le monde des savans et des artistes par cette longue confiscation. Sa mort seule put changer l’état des choses, mais le public en réalité n’y gagna rien, bien qu’après un court séjour dans le palais de Versailles la collection dont il s’agit eût été envoyée en 1718 par le roi à la bibliothèque. Ce ne fut guère qu’à l’époque où le cabinet des estampes cessa d’occuper dans l’hôtel de Nevers les chambres où on l’avait d’abord relégué que chacun put librement examiner ces précieux dessins, dont le roi voulut en outre que la plus grande partie fût reproduite par la gravure. Plus tard, d’autres pièces du même genre, provenant de la collection du père Plumier, s’ajoutèrent à la-série, et servirent à leur tour de modèles aux graveurs pour les grands ouvrages sur la botanique publiés sous le règne de Louis XV.

Ainsi, dans un nouvel ordre d’intérêts scientifiques, s’amassèrent à la Bibliothèque des documens aussi abondans, aussi sûrement instructifs que ceux dont les libéralités de Clément et de Gaignières avaient eu pour objet de populariser l’étude. Le cabinet des estampes, assez bien approvisionné déjà pour subvenir aux recherches archéologiques, se trouvait maintenant en mesure de pourvoir à d’autres besoins, et, quoiqu’une partie de ses collections primitives sur l’histoire naturelle ait cessé de lui appartenir depuis la fin du siècle dernier[1], ce qui lui reste sur la matière, tant en dessins

  1. Conformément à un décret de la convention en date du 10 juin 1793,46 volumes de plantes peintes sur vélin et 620 feuilles représentant des types zoologiques furent, au mois d’août de la même année, livrés au Muséum d’histoire naturelle. En outre, quarante ans plus tard (le 22 octobre 1834), le même établissement acquit, par voie d’échange avec la Bibliothèque, la collection presque tout entière du père Plumier.