Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/344

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dans nos études. Nous en signalerons deux principales : la première est l’ajournement des études latines de huitième en sixième, ou, si l’on veut, de dix ans à douze ans ; — la seconde est que des deux langues anciennes une seule, le latin, soit obligatoire, et la seconde facultative[1].

Pour ce qui est du premier point, il nous semble évident que, si l’on commence les langues vivantes dans les classes élémentaires, il faut ajourner le latin dans les classes de grammaire. On ne peut exiger des enfans qu’ils apprennent en même temps et d’une manière utile deux langues différentes, l’une ancienne, l’autre moderne, sans compter la langue maternelle. De deux choses l’une : ou vous les chargerez pour les faire travailler efficacement, et alors vous tuez la poule aux œufs d’or en épuisant d’avance la sève de ces jeunes intelligences, qu’il faut au contraire si précieusement ménager, — ou bien vous ne les chargez pas, vous leur mesurez avec économie le travail et les efforts ; mais alors, disséminé sur un trop grand nombre d’exercices, ce travail réduit devient stérile et insuffisant. Sans exagérer le nombre des devoirs, on sait cependant ou il faut que ces devoirs soient assez fréquens et assez rapprochés pour être vraiment utiles. On ne peut donc réduire le nombre des devoirs au-delà d’une certaine limite ; autrement il ne reste rien qu’un travail apparent. Pour les langues vivantes en particulier, qu’on a eu raison de placer dans les basses classes, car c’est là ou jamais qu’on les apprendra, pour ces langues, dis-je, il faut de fréquens exercices, si on veut que l’étude en soit efficace, car c’est précisément par le retour fréquent des mots et des tournures qu’une langue s’apprend au point de vue pratique. Une langue vivante doit s’apprendre vite. Si vous traînez pendant des années avec deux ou trois heures par semaine, je doute, sauf expérience contraire, d’un résultat bien utile. Chacun sait qu’on peut passer sa vie ainsi à apprendre une langue sans jamais la savoir, tandis qu’en un an ou deux si on est en quelque sorte saisi tout vif, on en devient maître, et le reste n’est plus que perfectionnement et entretien. J’imagine donc que c’est pendant ces deux années de classes élémentaires, quand les organes sont encore souples et quand l’esprit, moins impatient des idées, est plus propre à retenir des mots, c’est en huitième et en septième qu’on devra apprendre l’allemand et l’anglais, — non pas tout à fait, bien, entendu, puisqu’il reste encore tout le temps des études, mais assez pour que le plus fort soit fait, pour que l’esprit soit rompu à entendre la langue étrangère, et qu’on

  1. Quelques-uns proposent encore, et nous ne serions pas éloigné d’être de cet avis, l’ajournement des sciences à la fin des études, pendant deux ans, comme c’était dans l’ancien régime ; mais il y aurait là un remaniement de nos classes assez difficile à opérer. Cependant toutes les idées doivent être mûries et examinées.