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été cultivés dans l’Université d’une manière méthodique, systématique, continue. On n’a jamais admis qu’un seul exercice français, le discours ; cependant il y en a beaucoup d’autres, les lettres, les récits, les descriptions, les jugemens historiques, les dialogues, les analyses d’auteur, les dissertations, les vers français eux-mêmes, que je ne vois aucune raison d’interdire, sans compter les rédactions, qui sont déjà en usage, mais qui devraient être réduites, sinon tout à fait supprimées. Que de formes différentes de l’art de composer et d’écrire, que d’exercices variés pour l’imagination, le jugement et le goût ! Supposez, comme le demande le ministre, qu’on réussisse à graduer ces différens exercices suivant les âges et les classes, supposez que les professeurs arrivent à réunir pour ces travaux un répertoire de matières et de sujets comme ils en ont pour les discours et les vers, supposez enfin plusieurs années d’efforts concentrés dans cette voie, et, quoi qu’on en dise, nous ne croyons pas du tout que la haute éducation intellectuelle de la France soit en aucune façon compromise. Bien loin de considérer l’exercice de la composition française comme supérieur à la capacité moyenne des élèves, je suis porté à croire qu’il nous est aussi naturel d’écrire que de parler, pourvu qu’on entende par écrire exprimer correctement et clairement ses pensées, et non pas avoir du talent, ce qui n’est pas absolument nécessaire. Je pense même que ces exercices de français devraient commencer dès les premières classes, car les petits enfans y ont une singulière facilité. Ici encore nous pouvons nous autoriser de l’exemple et du précepte de Port-Royal : « on pourra même commencer à les faire écrire en français avant d’écrire en latin, en leur donnant à composer de petits dialogues, de petites narrations ou histoires, de petites lettres, et en leur laissant choisir les sujets dans les souvenirs de leurs lectures. » Au reste, il faudra s’en rapporter à l’expérience ; mais le principe, paraît incontestable : c’est que dorénavant, au moins pour la masse des élèves, la culture des facultés inventives doit se faire par le français et non par le latin.


II

Nous avons exposé le système du ministre de l’instruction publique ; nous avons loué ce système dans son ensemble et dans ses principes, sauf discussion pour le détail des applications. Ce système peut se résumer ainsi : nécessité d’introduire une langue vivante dans l’enseignement, nécessité corrélative d’une réduction proportionnée, réduction portant sur les devoirs écrits en général et les compositions latines en particulier. Ce système est simple et clair : il a surtout le mérite d’aborder le problème nettement et hardiment ; mais peut-être ne va-t-il pas encore jusqu’au bout de