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qu’ont prise ou que devraient prendre dans nos lycées les exercices physiques, si négligés jusqu’ici, et il ne sera pas exagéré de dire que le cadre de nos études est aujourd’hui le double, le triple peut-être de ce qu’il était au XVIIIe siècle et de ce qu’il devait être dans l’institution originaire de l’Université.

En même temps que se produisait ce mouvement d’accroissement progressif dans les matières, il se faisait en sens inverse un mouvement décroissant dans le temps du travail. En effet, les sorties ainsi que les récréations devenaient de plus en plus fréquentes. L’ancienne éducation, tout ecclésiastique à son origine, partait de cette idée, que l’école doit se substituer à la famille. Il n’était pas rare de voir des institutions où les enfans ne sortaient qu’aux vacances, et j’ai encore connu de vieux débris de ces temps antiques gémissant sur nos mœurs dégénérées et se vantant qu’autrefois, du temps de leurs études, ils ne voyaient leurs parens qu’une fois par an. Encore aujourd’hui l’éducation ecclésiastique, quoique moins sévère, est animée au fond des mêmes sentimens, et elle sépare le plus qu’elle peut l’enfant de la famille. L’Université ne pouvait avoir de telles prétentions : composée de laïques, eux-mêmes pères de famille, elle n’avait aucune autorité pour prétendre se substituer à la famille même ; elle a donc dû faire une part très large aux congés et aux sorties. Puis sont venues les plaintes sur le peu de soins donné à l’éducation physique, sur les longues études et l’exagération des travaux intellectuels, et par conséquent récréations plus fréquentes et, si je ne me trompe, lever retardé, au moins en hiver. Je ne blâme aucune de ces mesures, bien loin de là ; mais il est permis de constater que le temps du travail décroissait en raison même de l’accroissement des matières.

A qui la faute d’une situation si préjudiciable à tant d’égards ? A personne. C’est la force des choses qui a tout fait. Il n’y a pas à invoquer ici le lieu-commun de la routine universitaire, car c’est au contraire pour avoir voulu satisfaire aux besoins croissans de la société environnante, c’est pour s’être prêtée timidement, il est vrai, mais sérieusement, à toutes les innovations qu’exigeait l’esprit du temps, c’est en un mot pour avoir été progressive, sans être destructive, que l’Université s’est trouvée conduite peu à peu à la crise actuelle.

Si l’on veut bien comprendre cette crise et la juger froidement, on peut la résumer ainsi. Notre éducation, dans l’Université, se compose aujourd’hui en réalité de deux enseignemens associés ensemble, mais qui pourraient séparément fournir déjà la matière d’une éducation solide et très étendue, d’une part l’enseignement classique, — de l’autre ce que l’on peut appeler l’enseignement moderne, qui se compose du français, des langues vivantes, de