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délicats ; elles ne sont point insolubles dès qu’on les abordera sans arrière-pensée, et, cette constitution du pouvoir exécutif une fois définie, un grand pas, un pas décisif sera fait dans la voie d’une organisation sérieuse.

Ce n’est pas tout évidemment. Il y a deux questions qui se présentent d’elles-mêmes, dont la solution est peut-être un peu moins pressante, mais qui devront nécessairement être résolues. La première de ces questions est la constitution d’une seconde chambre. Un jour, sous l’empire, nous nous entretenions justement de cette question d’une seconde chambre avec un homme qui est aujourd’hui dans le parti radical, qui a toujours été républicain. Il avouait qu’en 1848 il était partisan d’une chambre unique, mais que depuis ses idées s’étaient modifiées, qu’il admettait l’utilité d’une seconde assemblée, et, comme on lui demandait pourquoi il avait changé d’opinion, il répondait simplement : « parce que j’ai vingt ans de plus. » Il disait vrai, c’est la raison la plus naturelle et la plus philosophique à la fois de la nécessité d’une seconde assemblée, parce qu’on ne voit pas les choses de ce monde du même œil à tous les âges. Il y a une expérience que donnent le temps, l’étude, le maniement des intérêts du pays, et cette expérience, cette maturité si l’on veut, c’est justement une seconde chambre, de quelque nom qu’on la nomme, qui peut la représenter dans les grandes délibérations sur les affaires publiques. La difficulté est toujours sans doute de trouver les élémens de cette seconde assemblée dans un pays où il n’y a pas des traditions d’aristocratie politique comme en Angleterre, des conditions particulières de vie locale comme aux États-Unis ou en Suisse. Il n’est pas moins vrai que c’est la seule garantie qui existe jusqu’ici contre les entraînemens et les tyrannies possibles d’une assemblée unique. D’ailleurs, une fois le principe admis, cette difficulté n’est point elle-même insoluble. Les élémens d’une seconde chambre, ils existent dans les conseils-généraux, dans la haute magistrature, dans l’armée, dans les compagnies savantes, même dans la grande propriété ou dans l’industrie, dans tout ce qui peut offrir en un mot la triple garantie de l’indépendance, de l’expérience et du savoir.

La seconde question qui reste à résoudre et qu’il faudra bien aborder, c’est la loi électorale : non pas que par un excès de susceptibilité conservatrice on puisse songer à revenir à quelque chose comme la loi du 31 mai 1850, qui a si étrangement servi de prétexte au coup d’état du 2 décembre 1851. Nullement, le suffrage universel existe, et ce qu’il y a de mieux c’est de vivre avec lui, en l’éclairant autant que possible, en le mettant en garde contre les pièges où il peut tomber ; mais ce qui est essentiel, ce qui ne ressemble en aucune façon à une violation directe ou indirecte du droit de suffrage, c’est de ramener la vérité, la sincérité dans la représentation publique, et de ne point lais-