Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/235

Cette page a été validée par deux contributeurs.
229
L’ALSACE-LORRAINE DEPUIS L’ANNEXION.

patronage de cinquante ans souvent ingrat, mais suivi avec autant de persévérance que de désintéressement. Les écoles ont été multipliées, écoles de grammaire et de science appliquée, écoles de dessin, conférences du soir, bibliothèques populaires, lectures périodiques. Comme encouragement à l’épargne, les combinaisons les plus variées ont été essayées, — entre autres celle qui associe dans une proportion considérable les cotisations des entrepreneurs d’industrie aux versemens des ouvriers qu’ils emploient, — des primes assez fortes attachées aux heures supplémentaires de travail dans les jours de presse, l’établissement de boulangeries et de boucheries qui, en diminuant le coût des objets, laissent entre les mains de l’ouvrier plus d’argent disponible, enfin des largesses qui varient d’un atelier à l’autre avec des succès quelquefois équivoques, mais que relevait toujours la droiture des intentions. Ce qui, on le sait, réussit le mieux, ce fut la construction de maisons d’un prix réduit et qui pouvaient être acquises au moyen d’annuités. Ici les résultats frappent les yeux ; une ville nouvelle s’est élevée près de l’ancienne avec des rues tirées au cordeau, des façades symétriques et des chaussées bien entretenues. Chacune de ces maisons renferme un ménage d’ouvriers qui en solde le prix par des versemens combinés avec ses loyers, et au bout de dix-huit ans en devient propriétaire. D’autres détails seraient encore à citer : des temps de repos assignés, imposés même, aux femmes en couche sans que leurs salaires cessent de courir, surtout les appareils destinés à prévenir les accidens des machines, si perfectionnés aujourd’hui qu’on peut en tirer pour l’avenir l’augure d’une sorte d’immunité. Comme perfectionnemens d’industrie, comme moyens d’assistance, comme patronage judicieux, tel est donc le résumé sommaire et certainement incomplet de ce qu’a fait Mulhouse dans le cours de ce siècle pour venir en aide à ses laborieux enfans et justifier sa fortune.

Ajoutons ceci : les chefs, en fait d’activité, ont donné l’exemple ; toujours les premiers au travail et aussi les derniers, ils n’ont recours à des services étrangers que là où ils ne peuvent pas s’employer eux-mêmes ; les fonctions se distribuent entre les membres de la famille dans des cadres assignés par la vocation et les études, de façon que chacun fasse ce qu’il sait le mieux faire, soit pour l’action, soit pour le conseil. C’est en industrie l’analogue de ces tribus antiques où la richesse demeurait commune, même quand le nombre des enfans et des alliés s’était accru. Ici encore, dans une certaine proportion, le fonds reste commun ou tout au moins n’emprunte rien au dehors : ainsi en est-il des immeubles et du terrain sur lequel ils reposent, ainsi du mobilier, des instrumens, des outils, des fonds de roulement, du matériel des ateliers accessoires ;