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L’ALSACE-LORRAINE
DEPUIS L’ANNEXION

I. L’Alsace et les prétentions prussiennes, par un Alsacien, M. Édouard Schuré ; Genève. — II. Le Protestantisme et la guerre de 1870, par M. Lichtenberger, professeur à la Faculté de théologie et au séminaire protestant de Strasbourg ; Strasbourg. — III. Was fordern wir von Frankreich, par Heinrich von Treitschke ; Berlin.

Plus d’un récit a été publié sur les incidens qui ont accompagné la séparation de l’Alsace-Lorraine de la patrie française. Ceux qui y ont assisté sont fondés à dire qu’aucun de ces récits n’approche de la réalité. C’est qu’il était bien difficile de rendre, dans de telles circonstances, la noblesse du sacrifice et la grandeur des émotions. Que demandait-on à ces provinces, en butte alors à la plus douloureuse alternative ? On leur demandait de répondre à bref délai aux questions suivantes : voulez-vous rester Français ? voulez-vous devenir Allemands ? Dans ce dernier cas, le silence suffisait ; il signifiait un acquiescement au régime imposé par la conquête, et supprimait toute autre formalité. C’était une porte ouverte aux indifférens, à ceux qu’un acte épouvante et qui se réfugient volontiers dans l’inertie ; mais dans l’autre cas, c’est-à-dire pour rester Français, il fallait agir et agir avec diligence. Dans cette sorte de consultation, on ne s’adressait pas à la masse, dont les voix, presque sans exception, auraient été l’écho du sentiment réel ; c’était individuellement, nominativement, qu’il y avait lieu d’opter. Ni l’âge, ni le sexe n’exemptaient d’une déclaration directe ou indirecte, et cette déclaration équivalait à un arrêt d’exil à jour fixe, sans délai ni appel. Pendant des semaines et des mois, on a pu assister dans ce malheureux pays à la plus cruelle des tortures, la