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laborieux et les studieux peuvent puiser dans une telle vie plus d’une utile leçon de patience et de résignation, et quant aux élus de l’érudition et de la science, à qui tout a souri et qui ont tout trouvé disposé sous leurs mains, qu’ils pensent un peu à cette science amassée brin à brin, avec fatigue, avec lenteur, lorsque les documens affluent vers eux de toutes parts sans qu’ils aient presque la peine de les chercher.

A côté même de la cathédrale s’élève l’ancien palais épiscopal, aujourd’hui la préfecture de l’Yonne, édifice à la fois vaste et charmant, où les deux ordres d’architecture gothique et romane se sont ajoutés l’un à l’autre dans la succession des temps, et se sont mariés sinon très étroitement, au moins dans une union pleine de liberté gracieuse et d’originalité spirituelle. L’aile de l’édifice la plus rapprochée de la cathédrale est traversée tout entière à la hauteur du premier étage par une galerie à colonnade romane du goût le plus pur et de l’effet le plus heureux. Cette colonnade romane ne règne que sur un des côtés de cette aile, et pour la voir, on doit entrer dans le jardin même qui s’étend derrière la préfecture ; mais une fois là, les yeux s’en détournent bien vite, quel que soit le plaisir qu’elle leur procure, enthousiasmés qu’ils sont par un spectacle d’une singulière beauté qui réclame toute leur admiration. Devant vous s’étend le beau palais épiscopal avec le double caractère de son architecture ; à gauche, la cathédrale vous présente un de ses flancs dominé par son unique tour ; à droite, dans un lointain assez rapproché pour qu’on ne perde aucun détail, se dresse la robuste masse de l’ancienne église abbatiale de Saint-Germain ; tout en bas et par derrière vous, l’Yonne roule ses eaux au cours majestueusement paisible, doucement ralenti par de petites îles verdoyantes. Nous parlions en commençant de ces paysages urbains dont les villes de Bourgogne présentent de notables exemples ; celui-là en est un, et des plus remarquables. Auxerre n’a rien de plus l’eau que cet aspect, qui réunit tous les caractères d’une absolue perfection. D’autres paysages d’architecture peuvent être plus riches, plus étendus, plus variés, je doute qu’il s’en rencontre beaucoup qui soient aussi heureusement ramassés et concentrés en un aussi petit espace, aussi harmonieusement balancés avec des édifices d’une telle masse, et dont l’ensemble puisse être embrassé par l’œil avec un plaisir moins exempt d’efforts.


IV. — AUXERRE. — LA STATUE DE DAVOUT. — ANECDOTES INEDITES SUR LE MARECHAL.

Jusqu’à ces dernières années, Auxerre n’avait possédé d’autre statue monumentale que celle du mathématicien Fourier, célébrité solide, mais nécessairement restreinte, peu faite pour dire quoi que