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l’insouciance de la régularité et de l’éclat apparent, je réponds qu’il y est encore pour l’avoir observé de mes propres yeux, et pour avoir retrouvé dans cette ville quelque chose des impressions que m’ont invariablement données toutes les anciennes villes ecclésiastiques où j’ai séjourné.

Tout passe en ce monde, et l’histoire de l’élégante cathédrale en est la preuve. Elle a eu toute sorte de malheurs, de vicissitudes et d’épreuves, et ce destin paraît d’autant plus lamentable que par ses caractères de grâce, de pureté architecturale, ses heureuses proportions, sa forme bien dessinée, son front charmant dont la destruction a bien pu briser la parure, sans en effacer toutefois la beauté, elle semblait faite pour fixer à jamais un destin souriant. S’il nous était permis, usant d’une licence habituelle aux poètes, d’individualiser les choses, nous dirions que, comparée aux autres cathédrales célèbres, celle-ci est comme une vierge adolescente parmi d’imposantes matrones ou de magnifiques reines. Longtemps en effet il sembla que le sort d’une jeunesse éternelle devait être le sien, car elle eut à profusion ces spectacles amusans qui plaisent à la jeunesse et ces gaîtés qui lui vont bien. Que de choses drolatiques n’a-t-elle pas vues, le sacrilège innocent de la fête de l’âne, le carnaval populaire de la fête des fous, la partie de paume des chanoines au jour de Pâques, et, pendant je ne sais combien de générations, l’aîné de la maison des Chastellux venant gravement revêtir les insignes de chanoine par-dessus ses ornemens de chevalier ! Puis elle eut pour évêque le tout aimable Jacques Amyot, qui était si bien fait pour lui continuer son destin souriant, et qui le lui continua en effet, car, en véritable enfant de la renaissance, il y introduisit la musique venue d’Italie et fît lui-même retentir les échos de ses voûtes de la cadence de ses périodes à la molle lenteur et de la vivacité voluptueuse de ses images toutes trempées de grâce. Bien des fois sans doute, cette enceinte entendit recommander l’austérité des vertus chrétiennes dans un langage virilement émané de l’austérité Spartiate ou romaine des héros de