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les affaires de la constitution Unigenitus, et ne se rendit pas moins célèbre par l’ardeur qu’il déploya contre les miracles du cimetière Saint-Médard que par le zèle avec lequel il défendit les visions de la religieuse bourguignonne.

On a déposé dans deux autres chapelles les restes de belles sculptures de la renaissance qui ont eu des aventures assez curieuses. Au moment de la révolution, ces sculptures ornaient une église qui appartenait aux minimes : deux ou trois visites de sans-culottes enragés les avaient déjà fortement endommagées, lorsqu’un patriote, mieux avisé que les autres, se disant sans doute qu’il n’y avait pas crime à profiter d’une chose qui était inévitablement dévolue à la destruction, eut la bonne pensée de les dérober pour en orner sa maison. Heureux larcin, peut-on dire, puisqu’il a sauvé les parties intactes de ces sculptures. Elles se trouvèrent donc transformées en propriété privée ; mais voilà qu’au bout de soixante années, un des héritiers de cet amateur indiscret des beaux-arts, touché de remords et probablement aussi fort embarrassé de posséder des objets dont il était difficile d’avouer l’origine sans quelque hésitation, a eu l’honnêteté de retirer de Babylone ce qui appartenait à Sion. Ne pouvant les restituer à l’église où elles avaient été prises, puisque cette église n’existe plus, il en a fait don à Notre-Dame. Nous devons à cette probité de pouvoir recommander ces sculptures à la curiosité et à l’étude de tous les amateurs d’art. Elles rappellent de la manière la plus étroite celles que nous avons admirées déjà dans l’église de Saint-Florentin ; elles ont été conçues dans le même esprit, exécutées selon le même système, ont évidemment la même date, et sont peut-être sorties de la même main. Ce sont des bas-reliefs représentant les différentes scènes de la Nativité et de la Passion au moyen de figurines du travail le plus délicat et le plus ingénieux. Ils ont été, dis-je, singulièrement endommagés, mais dans les parties qui ont été oubliées par la destruction il se trouve des détails d’une finesse admirable. Voici par exemple le cortège qui se met en marche pour le Calvaire ; on sort de la ville et l’on passe sous l’arc d’une de ses portes. Deux officiers, dirigeant leurs chevaux de manière à se trouver rapprochés l’un de l’autre, s’entretiennent ensemble avec un naturel et une tranquillité incroyables. Jamais l’indifférence, ce sentiment difficile à rendre entre tous puisqu’il est l’absence de tout sentiment, n’a été saisie avec un plus grand bonheur et une plus rare subtilité. L’évanouissement de la Vierge au pied de la croix est encore un détail qui peut frapper d’admiration même quand on a vu les innombrables expressions qu’ont données de cette scène les plus grands maîtres, tant l’abandon du corps par l’âme est voisin de la complète séparation. Il