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de Beaune, que, n’en connaissant pas le prix, elles la relégueront au grenier, ou qu’offusquées de quelque détail inoffensif elles la mutileront ou l’enlaidiront de feuilles de vigne ou de draperies ridicules. D’ailleurs elles ne voudront certes jamais comprendre que, s’il est méritoire de soigner des malades, il l’est presque autant de soigner des Van Eyck lorsqu’on a le bonheur d’en posséder, attendu que des malades se remplacent toujours, tandis qu’un Van Eyck ne se remplace jamais. Enfin ce tableau, après avoir été oublié pendant je ne sais combien de temps, fut découvert dans ces dernières années par un amateur de Chalon-sur-Saône, tout comme s’il n’avait jamais existé. Or voilà maintenant qu’après avoir laissé leur Van Eyck sans aucun soin les bonnes sœurs sont en train de pécher par excès de précautions. Lorsque dans la dernière guerre les Prussiens se sont étendus en Bourgogne, les sœurs ont tremblé pour leur tableau, et l’ont enfermé dans une caisse qu’elles ont déposé dans quelque cachette, comme des femmes et surtout des religieuses savent seules en trouver. C’était là une bonne, très bonne pensée, pour laquelle tous les amis des arts leur doivent des remercîmens, encore ne faudrait-il pas l’exagérer. Il y a longtemps que les Prussiens ne menacent plus la Bourgogne, il y a longtemps même qu’ils s’en sont entièrement retirés, et, cependant le Van Eyck ne sort pas de sa cachette, où il est, paraît-il, si bien muré qu’il est très difficile de l’en tirer. Il y était encore au mois de mai de cette année, et nous parierions qu’il y est toujours. Le résultat de cet excès de précautions, c’est qu’il nous a été impossible de voir ce tableau, ce dont nous avons éprouvé un dépit que nous ne pouvons dissimuler. C’est en vain qu’un jeune magistrat de Beaune qui porte le nom de Davout a joint ses instances à nos prières, le Van Eyck est resté invisible.

Notre-Dame est un bel édifice, sans unité architecturale très étroite, mais qui par ses principaux caractères se rapporte à l’architecture dite de transition, c’est-à-dire au passage du style roman au style gothique. Oserai-je dire toute ma pensée ? Eh bien ! cette architecture intermédiaire, lorsqu’elle se présente avec la beauté que nous lui voyons à Notre-Dame de Beaune et à Saint-Lazare d’Autun, me semble l’égale des deux autres pour le caractère religieux. Il est bien entendu que je veux surtout parler de l’impression résultant des colonnades à arcs brisés qui distinguent ces édifices. L’arc roman, étroit et harmonieux, a trop de sérénité et de beauté précise pour parler toujours à l’âme l’austère langage du christianisme. L’ogive est vraiment mystique ; que de fois pourtant, surtout dans la dernière période de son règne, son vol svelte s’arrête et se repose dans une élégance toute profane ! Combien au contraire cet arc brisé du style de transition ; est une fidèle image