Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 102.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mais il suffit de les voir de près pour leur faire perdre aussitôt tout prestige. Depuis les partisans inflexibles de la royauté traditionnelle jusqu’aux républicains de race pure, qui s’intitulent aujourd’hui les radicaux, il n’y a aucun des anciens partis qui puisse se suffire à lui-même et fonder un gouvernement durable à lui tout seul. Nous recommandons cette réflexion salutaire et à ceux qui s’alarment outre mesure des entreprises des anciens partis, et à ceux qui fondent des espérances exagérées sur le succès de tel ou tel d’entre eux. Que chacun fasse sérieusement son examen de conscience, qu’il se rende un compte exact des opinions et des besoins du pays, et tous deviendront plus modestes ; ils resteront convaincus qu’ils sont séparément incapables de sauver la France, qu’ils ont besoin de s’aider les uns les autres, s’ils veulent la gouverner sagement, et qu’au lieu de rêver chacun de son côté la toute-puissance, ils feraient mieux de chercher un terrain commun sur lequel il leur fût possible de vivre.

Le parti légitimiste est celui de tous qui est revenu avec les plus grandes et les plus incurables illusions ; ces illusions étaient d’autant plus entières qu’il était devenu plus étranger à la France moderne et qu’il exerçait moins d’action sur le pays. Sa retraite avait été plus longue, son isolement plus profond que celui des autres partis. Son exhumation inattendue aux élections du 8 février 1871 lui fit l’effet d’une véritable résurrection. Rappelés aux affaires comme conservateurs avérés et amis de la paix avec l’étranger, les hommes honnêtes, mais aveuglés, qui composent la masse du parti prirent le change sur l’opinion de la France ; ils crurent à je ne sais quelle miraculeuse conversion du pays à la doctrine de la royauté légitime, quand au contraire le pays, oubliant leur drapeau, ne voyait que leurs personnes et ne récompensait que leurs vertus. Évidemment le suffrage universel ne leur eût pas témoigné la même confiance, s’il les avait considérés comme des hommes de parti. Néanmoins les légitimistes, exaltés de cet apparent triomphe, rompirent avec leurs vieilles habitudes de résignation chrétienne et de soumission fataliste aux pouvoirs nouveaux. Eux qui s’étaient humanisés en 1848 jusqu’à accepter, que dis-je ? jusqu’à acclamer la république, et plus tard, au moins quelques-uns d’entre eux, jusqu’à solliciter des charges de cour dans les antichambres impériales, on les a vus avec surprise reparaître en bataillons serrés, avec leurs vieilles armures féodales, leur drapeau blanc, leurs anciens cris de guerre, leur foi inébranlable dans l’avenir et leurs doctrines d’un autre temps. Depuis ce jour, l’opinion publique n’a négligé aucune occasion de refroidir leur zèle. Rien ne les décourage ; ils paraissent d’autant plus entêtés qu’ils se sentent plus impuissans. Aujourd’hui,