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de cette population primitive. Ils parlent un idiome dont. les caractères principaux commencent à être bien connus, grâce aux travaux de Xylander, de George de Hahn, de M. Heinhold et en dernier lieu de Franz Bopp. Nous devons au maître de la philologie moderne l’étude la plus sérieuse que nous possédions sur l’albanais ; toutefois il faut remarquer qu’il fonde ses observations sur un très petit nombre de textes, tout à fait insuffisans pour donner une idée complète de cette langue. George de Hahn n’a pas prétendu en faire connaître tous les dialectes, il ne s’est occupé que de ceux qui se parlent de Scutari à Janina. Je tiens de ce savant que, dans le dernier voyage qu’il fit aux sources du Vardar, il rencontra des tribus dont l’idiome était tout nouveau pour lui, et avec lesquelles il ne put s’entendre. C’est le langage d’Hydra et de Spezia que M. Reinbold a étudié, surtout celui des matelots, avec lesquels il a passé de longues années comme médecin principal de la flotte grecque. L’albanais est une langue indo-européenne qui, par les radicaux, se rapproche beaucoup plus du latin que du grec. Un botaniste distingué, M. de Heldreich, vient de publier une flore de l’Attique où il joint aux noms consacrés par la science les noms albanais ; les rapprochemens avec le latin se font à chaque ligne, et sont surprenans. M. Reinhold affirme que certaines phrases latines sont comprises par le paysan albanais. Il en cite de nombreux exemples et, en particulier les mots célèbres veni, vidi, vici, qui pour un Albanais ont le sens que leur donnait Jules César, assertion que je n’ai pas eu la bonne fortune de vérifier. Quoi qu’il en soit, il est certain que les Albanais primitifs étaient proches parens de toutes ces tribus qui, longtemps avant la fondation de Rome, vinrent de l’Orient dans les vallées de l’Apennin ; cette fraction de la race, au lieu de traverser les Alpes, se répandit dans les vallées du Balkan. M. Reinhold et G. de Hahn ne sont pas satisfaits d’une antiquité déjà si reculée ; le premier intitule son ouvrage Noces pelasgicœjes Nuits pélasges, et dédie son livre à ses compagnons d’armes, qu’il appelle naulœ pelasgici, les marins pélasges ; le second consacre la plus grande partie de ses Albanischen Studien à démontrer que les Schkipétars sont fils de Pélagos, fils lui-même du ciel. On ne peut accumuler plus de textes à l’appui d’une thèse, faire preuve d’une érudition plus minutieuse et plus exacte. Il a été de mode autrefois de disserter longuement sur cette race mystérieuse, et tout bon érudit leur devait un mémoire. Niehbur cependant a dit depuis longtemps : « Le nom des Pélasges est odieux à l’historien qui hait la fausse philologie, d’où naissent les prétextes de connaissances au sujet de ce peuple éteint. » Les anciens ne nous ont rien laissé de précis sur ces premiers habitans du sol hellénique,