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restaurées ou fait disparaître : les autres récentes, résultat des épidémies et des fièvres. On voit que cette province ressemble à presque toutes celles de l’empire.

La population appartient à la race albanaise. Toutefois au nord de la Boiana on trouve plusieurs cantons slaves, dans les villes de la côte des Juifs, des Bohémiens et quelques Grecs. Les districts soumis à l’administration régulière comptent de 120,000 à 130,000 âmes, les tribus des montagnes, au nombre de vingt et une, plus de 120,000. Ce vilayet est le seul gouvernement turc où les catholiques dominent : ils représentent à eux seuls la moitié de la population totale ; le reste, si on excepte 41,000 Grecs, est musulman. La province ecclésiastique d’Albanie, qui porte dans les actes de la cour de Rome le nom d’Albania turcica, est divisée en trois archevêchés dont dépendent quatre évêchés[1]. Les habitans sont si pauvres qu’ils peuvent difficilement venir au secours de leurs chefs spirituels. C’est de Rome qu’il faut envoyer l’argent nécessaire à ces églises : la propagande de Lyon fait beaucoup, mais ne peut suffire à tout ; l’Autriche n’attribue au clergé latin que des subsides insuffisans. Dans ces conditions difficiles, surtout depuis les changemens survenus dans la situation du saint-siège, l’Italie essaie de prendre le protectorat des catholiques sur ces côtes, privilège séculaire de la maison de Habsbourg, et tout d’abord de leur faire accepter son argent. L’empereur d’Allemagne, bien que protestant, rappelle aux évêques que les provinces rhénanes sont catholiques, et offre des secours que la pauvreté de ces missions ne peut refuser ; du reste le primat actuel d’Albanie, Mgr Pooten, né près de Cologne, est sujet allemand. C’est une nouveauté que les agens de la Prusse donnant de l’argent aux catholiques orientaux pour bâtir des églises, déclarant qu’ils se feraient fort de remplacer la France ou l’Autriche, si ces deux puissances devaient restreindre leur générosité. Il en est cependant ainsi. Non-seulement en Albanie, mais en Grèce et dans le Levant tout entier, le protectorat et les subsides accordés aux chrétiens ont toujours été un principe d’influence que le nouvel

  1. L’histoire religieuse de cette province a été faite par Farlati. Mgr Pooten, archevêque d’Antivari, titulaire du diocèse, qui habite depuis longtemps l’Albanie, a réuni dans un grand ouvrage, écrit en latin, tous les renseignemens nouveaux qu’il a dû aux inscriptions et à quelques chartes inédites. Metropolis Antivarensis et ecclesiarum episcopalium in Albania turcica sitarum quæ eidem metropoli subsunt, vel olim subjectæ fuerant, historia quam ex Illyrico sacro Farlati ad suum usum in compendium redegit Carolus Pooten, archiepiscopus Antibarensis et Dioclensis, Albaniæ metropolita ac regni Serviæ primas. Ce livre, qu’il a bien voulu me communiquer, ne sera sans doute pas imprimé de longtemps. Les destinées d’un manuscrit dans les provinces turques sont si incertaines, qu’il n’est peut-être pas inutile de faire ici mention d’un aussi important travail.