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de l’intérieur le ministre des finances, M. de Goulard, qui est un homme aussi honorable que distingué, rassurant à coup sûr pour le parti conservateur. Il a donné M. Léon Say pour successeur à M. de Goulard aux finances, et, puisqu’il était à l’œuvre, il a placé au ministère des travaux publics, vacant depuis longtemps, un membre du centre droit, M. de Fourtou, qui passe pour un homme de talent. Enfin tous ces changemens ont été couronnés par le passage du sous-secrétaire d’état de l’intérieur, M. Calmon, à la préfecture de la Seine ; à la place de M. Léon Say. M. Calmon n’est plus sous-secrétaire d’état à l’intérieur ! voilà qui est fait pour soulager bien des députés de la droite, car manifestement M. Calmon était le grand ennemi de l’ordre et de la société ! Il est aujourd’hui à la préfecture de la Seine, où il restera ce qu’il est, un homme de savoir et d’expérience administrative. Somme toute, le nouveau ministère était un gage de conciliation, il a été considéré ainsi, et il y a eu en effet tout d’abord un certain apaisement. Si on n’était pas entièrement satisfait, on a feint de le paraître ; mais cela n’a pas suffi longtemps. La droite est impatiente de régner, et elle s’est repliée dans la commission des trente, où elle a la majorité, où elle semble s’étudier depuis quelques jours à éluder le vote de l’assemblée, à recommencer tout simplement ce qu’elle voulait faire dans la commission des quinze. On tourne autour des questions sans les aborder ; on n’a des yeux que pour la responsabilité ministérielle, qui reste toujours visiblement le premier et le dernier mot de la droite. On est surtout préoccupé de ne rien faire, parce que, si on faisait quelque chose, on sortirait, à ce qu’il paraît, du pacte de Bordeaux, et un membre de la commission l’a dit assez naïvement ; il a même laissé entrevoir la vraie pensée qu’on porte dans ces délibérations en ajoutant qu’il fallait se borner à limiter les pouvoirs du président, ne rien faire qui puisse avoir une durée, et « ne prendre des mesures que pour régler un état temporaire et transitoire. » Si la commission en est là, il est fort à craindre en effet qu’elle ne fasse rien, et que la question ne revienne entière devant l’assemblée, où il faudra encore livrer un nouveau combat.

Il faudrait cependant s’expliquer un peu plus nettement. À quoi veut-on arriver ? que veut-on faire ? Jusqu’ici, il y a eu bien des discours, bien des interpellations, bien des semblans d’explications, et en définitive rien de précis ne se dégage de toutes ces manœuvres, de toutes ces agitations, qu’on prolonge de façon à déconcerter le sentiment public. Il y a en vérité des choses curieuses, des merveilles de contradiction dans tout ce qui se passe autour de nous depuis quelque temps. Quand on presse un peu la droite, quand on lui demande si elle veut rétablir la monarchie, elle s’en défend avec vivacité, elle prétend qu’il ne s’agit de rien de semblable, et elle a raison, puisqu’elle sent bien que, le jour où la question se poserait, la division éclaterait dans son propre sein. Si on lui demande cependant, puisqu’elle ne peut établir la monarchie, d’aider à organiser une situa-