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hébraïques que s’est attaché M. de Saulcy. Les monumens militaires des croisades ont été étudiés par M. Guillaume Rey. La topographie biblique est restée la préoccupation presque unique de Robinson. Le nouveau livre ne veut pas reprendre tous ces sujets; l’auteur résume ce qui a été écrit avant lui, il y ajoute beaucoup. Si l’œuvre est achevée sur le plan adopté pour les trois premiers volumes, elle constituera une véritable encyclopédie de la Palestine.


ALBERT DUMONT.


Des origines du royaume d’Yvetot, par M. le vicomte Oscar de Poli ; Paris, Amyot.


Rien n’est plus historique que ce royaume d’Yvetot que Béranger a tourné en plaisanterie, et que beaucoup de personnes ne regardent plus que comme un joyeux mythe. Vertot même, qui ne voit dans l’énigmatique royauté des sires d’Yvetot qu’une simple usurpation, nie que le royaume ait jamais existé. Et pourtant les documens abondent où le titre de roi d’Yvetot figure sans la moindre intention d’ironie. Il est vrai que depuis le sac du château seigneurial et de l’église d’Yvetot par les vandales révolutionnaires, les archives qui auraient pu éclaircir ce point d’histoire n’existent plus, et qu’il faut péniblement, à l’aide de vieux titres que le hasard met au jour et de conjectures plus ou moins hardies, refaire la filiation de ces seigneurs presque disparus de la mémoire des hommes. Toutefois les témoignages qui existent sont sérieux, et en les rapprochant on voit se dégager avec netteté les destinées diverses de cette seigneurie aussi authentique que peut l’être aujourd’hui la principauté de Monaco ou la république d’Andorre. Si elle n’a guère marqué dans l’histoire de la féodalité, on voit cependant plus d’une fois ses représentans faire bonne figure dans les récits de cette époque. Louis XI, en passant sur le territoire de son humble voisin, interrompt un courtisan qui l’appelle sire : « Il n’y a plus de roi de France ici, nous sommes dans le royaume d’Yvetot. » Henri IV, un jour, fait placer aux premiers rangs dans une cérémonie Martin Du Bellay, roi d’Yvetot, en disant : « C’est un petit roi, mais c’est un roi. » Jean Boucher, qui signe Le Roy d’Yvetot, écrit en 1490à la fille de Louis XI : « Madame, je nous prye uous remonstrer les afayres de mon royaume, auquel si nous ne mectez la main, par ma foy ils sont bien au bas. »

Jusqu’où faut-il remonter dans le passé pour découvrir l’origine de cette royauté? Une légende fort peu vraisemblable veut qu’au commencement du VIe siècle Clotaire Ier ait érigé le fief d’Yvetot en royaume en faveur des hoirs de son chambellan Gautier, qu’il avait assassiné malgré ses victoires sur les Sarrasins. Au VIe siècle en effet, on ne s’occupe pas encore des Sarrasins. Yvetot ne devait même pas exister à cette époque. Ce nom, que l’on écrivait d’abord Ivestot, signifie maison d’Yves, comme d’Houdetot maison d’Eudes; Yves ou Yvar, Iver, Ivais, est un pré-