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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 octobre 1872.

Faut-il que ce généreux et infortuné pays de France soit vivace et merveilleusement cloué ! Depuis deux ans, il a passé par des épreuves que pas un seul pays d’Europe peut-être n’eût supportées. Il a été dévasté, mutilé, démembré par la guerre, et il n’a pu se racheter encore complètement d’une occupation étrangère. Ce n’était pas assez des désastres militaires qui l’ont accablé, il a été menacé d’une dissolution intérieure, et il a résisté à tout, il se soutient par une sorte de miracle permanent de vitalité inépuisable. Certes, s’il y a une chose évidente, saisissante, c’est que dans cette situation, qui reste toujours si difficile, quoiqu’elle n’ait rien d’insurmontable, il n’y a qu’une politique possible, imposée par les circonstances, celle de l’union des volontés, de la trêve des partis, du désintéressement des ambitions. Non, c’est trop demander, à ce qu’il paraît, les partis ne peuvent pas se résigner. Ils sont bien obligés quelquefois de mordre leur frein, de plier sous le poids des fatalités qui les dominent, de laisser faire par d’autres ce qu’ils ne sauraient pas faire eux-mêmes. Ils se donnent un maintien modéré, il ont des momens de sagesse relative et involontaire dans les crises aiguës, en présence des difficultés trop gênantes. Qu’on leur rende une certaine paix, qu’ils croient voir déjà l’horizon s’éclaircir, aussitôt ils en profitent, ils se remuent, ils se défient les uns les autres, ils relèvent leurs drapeaux bariolés. C’est l’éternelle histoire des banquets, des manifestations, des processions qui recommence. La légitimité réclame ses droits, le radicalisme se déchaîne et s’exalte comme s’il croyait son heure déjfà venue, le bonapartisme fait des visites en France pour qu’on ne l’oublie pas. Ils font tous depuis quelque temps en vérité un bruit assourdissant.

Cependant, au milieu de tous ces partis légués et multipliés par les révolutions, il se forme par degrés un parti nouveau qui grandit de jour en jour, qui grandira encore certainement : c’est le parti de la France, de la vraie France libérale, conservatrice, laborieuse, paisible,