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Frédéric II, lorsque la guerre de 1806 éclata. Il se montra un des plus ardens contre Napoléon; pourtant il resta à Berlin en attendant le vainqueur. Le 20 novembre, il eut un entretien avec l’empereur, qui le séduisit par ses flatteries, ses prévenances, l’étendue de ses connaissances et l’élévation apparente de ses aperçus philosophiques. Jean de Muller fut conquis ; d’ardent Prussien, il devint un admirateur de Napoléon. Au reste, étranger à l’Allemagne par sa naissance, sinon par son éducation, l’ardeur des passions nationales n’avait pas prise sur lui. Comme il avait fréquenté les princes plus que les peuples, il ne pouvait guère se laisser enthousiasmer par l’idée d’une Allemagne libre et une Républicain, quoique assez tiède, il n’avait aucun motif pour préférer les princes de droit divin aux parvenus de la révolution. Il fit partie des délégations westphaliennes à Paris, fut distingué par le roi Jérôme, qui le nomma d’abord secrétaire d’état et ministre des affaires étrangères, puis lui confia la direction de l’enseignement dans cette même ville de Cassel où il avait été professeur. Aucune conversion de cette époque n’est plus explicable; aucune peut-être n’a plus excité la bile des teutomanes. Il faut convenir que la transition fut un peu brusque. Toutefois il se fit beaucoup pardonner à cette époque par son administration libérale, son affection pour les jeunes gens, son zèle pour la science et l’opiniâtreté avec laquelle il défendit les vieilles institutions universitaires de la Germanie.

A sa mort (20 mai 1809), la direction de l’enseignement passa entre les mains du professeur Leist. « C’est un homme instruit, disait Reinhard, et d’un caractère pliant. » On ne saurait mieux le connaître que par cette autre appréciation d’un ami du gouvernement qu’il a servi. « Il fit disparaître des universités westphaliennes les associations des étudians, cause de grands désordres. On lui fit un grand mérite de cette mesure. Il sut insinuer adroitement aux professeurs de ne pas se mêler de politique... Les professeurs, sachant qu’ils étaient surveillés, s’observèrent à leur tour, et les élèves s’abstinrent de politiquer. M. de Leist était du reste un homme fort ambitieux, présomptueux comme un véritable professeur allemand, aimant la louange. D’abord dévoué à l’ancien gouvernement de son pays, il n’avait pas été plus tôt nommé conseiller d’état, qu’ébloui, son amour pour cet ancien gouvernement (celui de Hanovre) était devenu de la haine. Il se figurait quelquefois que la Westphalie n’avait pas besoin de la France, et que Jérôme pouvait et devait se passer de son frère. »

La grande affaire qui tourmenta les derniers jours de Jean de Müller, et qui ne fut terminée que grâce au « caractère pliant » de Leist, est celle des universités. Elles étaient au nombre de cinq dans le royaume de Westphalie : une université hanovrienne, Gœt-