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à la guerre n’est autre que cet admirable général Eblé, qui, tenu pendant toute la prospérité de l’empire dans une demi-disgrâce, resta simple général, tandis que tant d’autres, qui n’avaient pas contre eux d’avoir été amis de Moreau ou officiers de l’armée du Rhin, arrivaient au maréchalat. Dès le mois d’octobre 1809, il avait manifesté le désir de retourner en France, et Jérôme l’avait recommandé en termes chaleureux à Napoléon. « Votre majesté peut être convaincue que je fais une perte dans le général Eblé. Les hommes comme lui sont rares. Je suis trop juste pour ne pas sentir la vérité de son raisonnement lorsqu’il me dit : Votre majesté ne peut rien pour moi, puisque je suis Français, et elle voit très bien qu’en restant à son service je suis entièrement oublié de l’empereur; je commence à vieillir, et je sens le besoin de voir mon sort fixé[1]. » Son sort fut fixé par l’acte suprême de dévoûment qu’il accomplit trois ans après au passage de la Bérésina. Il eut pour successeur le général d’Albignac, puis Salha, ancien officier de marine et compagnon de Jérôme en Amérique. Comme on le voit, le portefeuille de la guerre resta constamment en des mains françaises.

La constitution westphalienne avait porté à 20,000 fantassins, 3,500 cavaliers, 1,500 artilleurs, le contingent du royaume : provisoirement il se composerait pour moitié de troupes françaises. La conscription était devenue loi fondamentale et le remplacement à prix d’argent interdit. Napoléon, dans plusieurs lettres remarquables, avait développé ses intentions et communiqué les résultats de son expérience à Jérôme. Il devait plutôt travailler à dépasser le contingent que rester au-dessous : l’électeur de Hesse, qui ne possédait qu’une partie de la Westphalie actuelle, n’avait-il pas une armée de 33,000 hommes? Il blâmait l’institution de gardes du corps comme contraire « à l’étiquette de notre famille; » mais il conseillait de former une garde composée de chevau-légers, de grenadiers et de chasseurs à pied. Chacun de ces trois corps comprendrait 400 hommes, total : 1,200. Il essayait de prémunir son frère contre l’écueil où échouaient tous les roitelets de fabrique napoléonienne : a il ne faut se modeler en rien sur la formation de ma garde, qui, étant destinée à offrir des récompenses à une grande armée, me coûte immensément cher. » Sur ces 1,200 hommes de la garde, 300 devaient être Français, vieux soldats, parlant allemand, dévoués à la dynastie, « propres à donner l’esprit militaire à la jeunesse et à faire l’amalgame avec la France. » Les 900 autres devaient être pris parmi des « jeunes gens de famille, c’est-à-dire de bons bourgeois ou des fils de fermiers » auxquels leurs parens pourraient faire une pension. « Jeune, ajoutait-il, prenez,

  1. Reinhard, dans un rapport d’août 1809, disait cependant : « Eblé ne sait pas défendre son travail, que le roi n’étudie ni no reçoit avec confiance. »