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court, qui revient de Russie, affirme que trente passagers par jour, en moyenne, débarquent à Odessa et y subissent la quarantaine, tandis que quatre cents voyageurs arrivent par le chemin de fer et entrent librement en ville. Du côté de la Turquie, il n’est pas moins facile d’éluder les prescriptions quarantenaires. Cette année, l’administration ottomane, pour protéger le pays contre le choléra qui règne en Russie, a établi une quarantaine de dix jours pleins à Sulina pour les navires se rendant sur le Danube, au Bosphore pour ceux qui vont à Constantinople, à Batoun pour ceux qui viennent des ports du Caucase. De plus elle a supprimé le service à vapeur entre Galatz et Odessa. Qu’arrive-t-il? C’est que les voyageurs quittent la Russie par le chemin de fer de Wolociska (frontière austro-russe) et gagnent Constantinople par Vienne et Barrach, comme vient de le faire l’ambassadeur de Russie près la Sublime-Porte. Bientôt le chemin de fer qui reliera Kichenef à Yassy sera terminé, et le trajet sera encore considérablement abrégé. La quarantaine est donc inutile.

Il faut le reconnaître, le système des quarantaines présente des complications et des difficultés qui le rendent dans beaucoup de cas inefficace et inexécutable. Non-seulement il est malaisé de trouver des fonctionnaires assez vigilans, mais il est souvent impossible de s’opposer aux transports et aux mouvemens de voyageurs qui sont les agens de la propagation épidémique.


III.

S’il est impossible de détruire le choléra dans sa source, s’il est très difficile de l’empêcher d’arriver jusqu’à nous, la science ne possède-t-elle pas au moins une antidote à lui opposer, un remède pour le combattre lorsqu’il est parvenu à s’introduire parmi nous? De même que le médecin doit confesser, quant à la nature du mal, l’obscurité à peu près complète du savoir, de même il doit avouer, en face des victimes de l’invasion cholérique, l’impuissance presque toujours irrémédiable de l’art. Les remèdes proposés pour guérir le choléra sont aussi nombreux que les hypothèses faites pour l’expliquer. De part et d’autre, l’illusion est la même. Ceux qui considèrent le choléra comme une maladie due à des parasites recherchent naturellement les moyens de détruire ces parasites[1]. Les médecins qui le regardent comme une affection virulente, provoquant une sorte d’altération moléculaire de toute la masse des hu-

  1. Parmi les partisans de cette idée, il faut citer un professeur allemand, M. Hallier, qui regarde comme démontré que le choléra est dû à des micrococcus. M. Hallier explique d’ailleurs toutes les maladies par des micrococcus ou par des infiniment petits du même ordre.