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puisse le soupçonner. Ce qui est certain, c’est que les instructions divulguées par la publicité française sont inexactes, et que le texte fourni par Tempesti lui-même est controuvé. Nous devons à M. de Hübner la publication authentique de ce document d’importance, et il en résulte que, si en un sens absolu Gaëtani a suivi la ligne de conduite qui lui était tracée hypothétiquement, ces instructions lui prescrivaient une circonspection qu’il n’a point gardée; il était, il est vrai, accrédité auprès du roi de la ligue, le cardinal de Bourbon, mais en attendant information seulement. Le pape a été instruit de la contravention de Gaëtani, s’en est plaint amèrement, mais sa colère est restée sans résultat. Il est avéré aujourd’hui qu’immédiatement après la mort d’Henri III Sixte-Quint avait cru nécessaire de s’allier à Philippe II pour combattre Henri IV, soit à l’aide des ligueurs, soit à l’aide des adhérens catholiques qu’il espérait détacher du roi de Navarre; mais trois mois plus tard un revirement complet s’opéra dans l’esprit du pape, que des renseignemens plus assurés informèrent de l’inclination d’Henri IV à l’adoption de la foi catholique. L’Espagne se montra irritée de ce changement des dispositions du pape, et c’est alors que la France et l’Europe furent inondées d’une pluie de pamphlets ayant pour objet de montrer la vaine hypocrisie du nouveau roi de France et l’inadmissibilité de son abjuration, attendu qu’il était relaps, maudit, etc. La politique de Sixte-Quint fut, à partir de cette époque, de gagner du temps. « Pour gagner du temps, dit M. de Hübner, le pape se retrancha sur la nécessité d’être mieux informé des affaires de France, non par les ouï-dire, mais par les rapports officiels, » En attendant, il accablait le légat de son blâme, l’appelant le légat de l’Espagne et non le sien, et craignant cependant de le révoquer. Le pape était d’autant plus confirmé dans ses impressions qu’elles coïncidaient avec des victoires répétées d’Henri IV sur la ligue et avec une communication officielle de ce prince annonçant ses intentions.

En effet, après la mort d’Henri III, le nouveau roi proclamé, Henri IV, avait envoyé à Rome un personnage considérable, le duc de Luxembourg[1], l’un des derniers représentans en France de la maison impériale de ce nom. Cette ambassade fit événement à Rome, et Olivarès employa de singulières violences pour en faire avorter les résultats. Le duc arriva dans les premiers jours de janvier 1590, et fut reçu le surlendemain par le pape malgré les représentations de la faction espagnole. Il y eut de la réserve des

  1. Le duc de Piney-Luxembourg, dont les biens et les titres ont passé plus tard par mariage à la maison de Montmorency, habitait un charmant hôtel, aujourd’hui encore subsistant, rue Geoffroy-Lasnier, n° 26. C’est une construction italienne de la fin du XVIe siècle, dont le style rappelle l’hôtel d’Assezat à Toulouse.