Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 101.djvu/877

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Gerson. La faculté de théologie ou la Sorbonne, le collège de Navarre, y jouissaient d’une autorité admise dans toute la chrétienté. Les grands conciles du XVe siècle avaient subi leur influence, et des choses de la religion, l’université se porta aux choses de la politique[1]. Aussi tout le monde ambitionna les suffrages de cette grande ville déjà si présomptueuse et si portée aux excès en tout genre. Les ducs de Bourgogne l’avaient gâtée, établissant leur séjour joignant les halles, et caressant la sédition. Les Guises continuèrent cette œuvre déplorable. Henri de Navarre écrivit lui-même aux Parisiens : « Je vous estime comme le miroir et l’abrégé de ce royaume. »

Le rôle de Paris n’avait été rien moins que patriotique dans les guerres des Anglais, il ne le fut pas davantage dans les guerres de religion. Dans l’une et l’autre occurrence, la passion communale égara Paris, la violence étouffa la raison, le bas entraîna le haut. Paris, ville jadis bourguignonne et anglaise, devint au XVIe siècle une ville guisarde et espagnole. La réforme avait bien trouvé à Paris la trace des opinions dissidentes des sacramentaires ou sectateurs de Bérenger, au XIe siècle, persistantes dans des traditions secrètes, mais les relations de l’université avec les conciles et les papes avaient maintenu la masse de la population dans le giron de l’église romaine, et, dans la grande réaction catholique du XVIe siècle, le peuple de Paris prit parti pour le catholicisme ; une minorité violente terrifia la bourgeoisie éclairée, qui eût été favorable à des réformes religieuses, et dans l’université les couvens l’emportèrent sur les collèges. Les jacobins, les cordeliers, les jésuites, machine espagnole, imposèrent au collège royal, au collège de Navarre, à Sainte-Geneviève, comme le montrent Palma Cayet et autres chroniqueurs ; cette milice des moines, qui était en contact direct avec le peuple, entraîna le peuple dans la ligue, flatta les passions démagogiques et donna une couleur démocratique à la faction ultramontaine, qui parla même de proclamer la république après le meurtre d’Henri de Guise, et de brûler Paris plutôt que de le rendre à Henri III, quand ce prince vint l’assiéger. La sage Sorbonne fut entraînée jusqu’au moment où l’imprudence de Grégoire XIII et de Grégoire XIV, réchauffant les prétentions de Boniface VIII, favorisa une réaction partie des rangs élevés de la magistrature et de l’église de France, les archevêques de Paris et de Bourges en tête. Mais pendant de mortelles semaines, la terreur régna dans Paris, telle qu’on l’avait vue au temps des Armagnacs, telle qu’on la revit en 1793, telle que nous l’avons vue en 1871, avec cette différence qu’en 1589 c’étaient des prédicateurs de la ligue qui changeaient les églises en clubs, qui proclamaient

  1. On peut voir dans Monstrelet la part que prit l’université de Paris à toutes les affaires importantes de son époque.