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blanche, et lui vêtu en soldat, le pourpoint tout usé sur les épaules et aux côtés de porter la cuirasse, le haut-de-chausse de velours de feuille morte, le manteau d’écarlate, le chapeau gris avec un grand panache blanc, où il y avoit une très belle médaille, estant accompagné de MM. le duc de Montbazon et le maréchal d’Aumont, qui l’estoient venus trouver de la part du roi. » On lui a reproché une parole libre sur Paris et la messe. De quelque goût qu’elle soit, cette plaisanterie courait tous les pays à l’occurrence. Olivarès écrivait à Philippe II qu’Elisabeth d’Angleterre avait dit qu’en cas de trouble grave en son pays elle avait le remède entre les mains, qui était d’entendre une messe de ceux de l’inquisition. On lit à ce propos, dans les Mémoires de la cour de France de Mme de Lafayette, que l’archevêque de Reims, frère de M. de Louvois, dit en voyant Jacques II arriver à Versailles : « Voilà un fort bonhomme qui quitte trois royaumes pour une messe. » Le parti protestant s’offensait beaucoup du reste des dispositions du roi de Navarre à cet égard. Le caractère propre du parti était la raideur : elle allait jusqu’à la violence dans l’occasion, et ce n’est point une des moindres habiletés d’Henri IV d’avoir pu et su gouverner ce parti, qui a fini par relever la monarchie dans la personne du roi de Navarre, après avoir entretenu le soulèvement et la guerre avec l’idée d’une république, même démocratique, ainsi qu’on le voit dans les mémoires du temps[1]. Lorsque dans le midi on rappelait aux réformés l’obéissance due au roi, ils répondaient: Quel roy? nous sommes les roys. Celui-là que vous dites est un petit reyot de m..., nous lui donrons des verges, et lui donrons mestier pour lui faire apprendre à gaigner sa vie comme les autres. C’était d’ailleurs la conséquence de la guerre civile qui, appelant partout la participation populaire à l’action publique, introduisait nécessairement les passions égalitaires sous tous les drapeaux.

Le caractère général des réformés et le caractère particulier du roi de Navarre étaient au fond fort dissemblables, et ce dernier éludait souvent des difficultés sérieuses sous le couvert d’une légèreté qui lui valait de l’indulgence. L’édit de Nantes, comme toute autre transaction, ne fut point du goût du parti calviniste, il fallut le lui imposer. Là, comme chez les ligueurs, l’idée de l’intolérance et de l’absolu dominait, et les doctrinaires de la liberté religieuse étaient en petit nombre. La liberté religieuse et la commodité du vivre étaient au contraire du goût intime de Henri de Navarre. Aussi ad-

  1. Voyez les mémoires de Montluc et les mémoires fatigans, mais instructifs, de Duplessis-Mornay, qui fut pendant cinquante ans le directeur spirituel de la cause protestante en France (Paris 1822-25, 12 vol. in-8o). Henri de Navarre avait su se l’attacher profondément, ce qui n’empêcha pas Mornay de se séparer du prince.