Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 101.djvu/859

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

couteau dont le roi mourut le lendemain[1]. Le crime avait appelé le crime, et la vengeance de Guise était satisfaite. Quatre ans d’affreuse anarchie et de guerre civile, deux sièges désespérés de Paris en furent la conséquence.

Mais revenons sur nos pas, et recherchons avec M. de Hübner, qui a donné tant de soins à cette partie de son ouvrage, quelle a été la participation vraie de Sixte-Quint au drame sanglant de la guerre civile, activement ouverte par le meurtre de Blois. C’est ici que l’historien diplomate mérite la reconnaissance de l’histoire et de la vérité par les résultats nouveaux auxquels nous conduit son travail : la grande responsabilité pèse sur Grégoire XIII, mais celle de Sixte-Quint se dégage avec honneur, bien que bon nombre de nos rédacteurs d’histoire s’y soient trompés. Il ne lui restait guère qu’un court espace de temps à parcourir pour arriver au terme de sa carrière pontificale (de 1588 à fin août 1590), et pendant ces jours si tristement remplis il a tout fait, en demeurant le chef éclairé de l’église catholique, pour ménager un terme aux calamités françaises et pour préparer la pacification d’un royaume dont l’indépendance et la grandeur lui semblaient nécessaires à la prospérité de l’Europe chrétienne. Afin de montrer !es actes de ce grand pape sous leur jour véritable, il faut faire à chacun des acteurs et des partis qui figurent dans nos guerres religieuses la part qui lui revient, selon l’équité historique. Sixte-Quint les jugera de loin, mais de haut, et avisera selon l’intérêt de l’église et de la paix.

Et d’abord ce personnage avili d’Henri III, en qui semblaient s’être éteints et avoir disparu tous les prestiges de la royauté. A son avènement à la couronne, l’élégance de ses manières et l’originalité de son esprit avaient dissimulé ses vices. Les espérances que le parti catholique fondait en lui n’avaient pas peu servi à protéger sa réputation. Il avait été l’un des plus décidés fauteurs de la Saint-Barthélemy, mais au fond léger, imprévoyant, dépravé, dégénéré des qualités de race de son père et de son aïeul. Esprit étroit, faux et menteur, timide et violent à la fois, odieux aux réformés, antipathique aux mœurs françaises, qu’il paraissait avoir perdues, il n’eut plus d’appui dans l’opinion lorsqu’il fut brouillé avec le parti catholique, dont sa mère lui montra les folies, dont il ne pouvait plus satisfaire les passions, et dont les attentats menaçaient directement sa personne autant que la paix publique. Il ne lui restait du roi que l’orgueil, profond, concentré, dissimulé, capable de tout pour obtenir satisfaction. Il ne remplissait plus aucune des conditions de la souveraineté, dont il avait usé tous les ressorts, également

  1. Voyez, pour les détails, Lestoile, p. 301, édit. Champollion; et Palma Cayet, liv. Ier, p. 159, édit. Buchon.