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bler de nouveau mon état, j’ai pensé que je serais à bon droit estimé indigne par tous les princes étrangers de la couronne et monarchie à laquelle Dieu m’a appelé et que j’abandonnerais le repos et la protection de mes sujets, si je n’eusse pris résolution, avec l’autorité que Dieu m’a donnée, d’arrêter le cours de tant d’entreprises, et par ce moyen conserver ma vie et mon état, et donner moyen à mes pauvres sujets de vivre en repos. » Une froide réception accueillit ces messages, et loin d’assurer, comme il l’avait cru, le repos de ses états, Henri de Valois y porta le plus grand trouble qui fut jamais; l’émotion de l’humanité outragée tourna facilement au bénéfice de la révolte. Le roi de France avait abattu le roi de Paris, comme il disait, et pensait avoir du coup étouffé la ligue dans le sang de son chef. Il n’en fut rien. Ce fut le 24 décembre, à l’entrée de la nuit, qu’un courrier, arrivant de Blois à Paris, porta la triste nouvelle à l’hôtel de Guise, où la duchesse, qui avait quitté Blois peu avant, était venue faire ses couches. C’était l’heure où les bourgeois rentrant au logis et les marchands fermant leurs boutiques se préparaient à fêter joyeusement en famille la veille de Noël. De la rue du Chaume, où éclatèrent les cris du désespoir, le bruit du meurtre se répandit avec la rapidité de l’éclair. Aux carrefours, sur les places, autour des églises entr’ouvertes, on accourait, on s’agitait, à la lueur des torches et des lanternes. Le comité des seize se réunit à l’Hôtel de Ville, et la Grève se couvrit d’une population émue; on se précipita aux églises, où sonnaient toutes les cloches pour la messe de minuit. Les prédicateurs y annoncèrent d’un accent désolé la fin tragique du pilier de la foi et du héros chrétien. « Le voilà démasqué, s’écriaient-ils, ce cauteleux cafard, cet odieux Sardanapale, ennemi déclaré de l’église et de Dieu! Guerre au tyran, mort à l’assassin ! »

La nuit s’acheva au milieu d’une indescriptible émotion. « Et encore, dit Lestoile, que beaucoup de gens de bien, et des premiers et principaux de la ville fussent de contraire opinion, mesme les premiers de la justice, ce néanmoins ils furent soudain saisis de telle appréhension que, le cœur leur faillant, ils se laissèrent aller à l’entraînement des mutins, » et n’osèrent soutenir la cause du roi. Le jour de Noël fut tout entier consacré aux manifestations de l’indignation populaire. Le conseil de ville suivi de la multitude ameutée se rendit à l’hôtel de Guise pour assurer la veuve du duc de l’inviolable attachement du peuple. Elle parut en longs habits de deuil, accompagnée de la duchesse de Montpensier, et leurs sanglots provoquèrent une explosion nouvelle de malédictions contre le meurtrier. Du haut des chaires des églises, des moines furieux excitaient la foule à la révolte et prodiguaient l’outrage au nom du