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populaires ont célébré les pobratinî célèbres, et même des Turcs qui, liés à l’égard de chrétiens par ce serment, sacrifièrent leur vie plutôt que de l’oublier. Aujourd’hui, dans les villes, beaucoup de familles gardent des anneaux de fraternité bénits au début de ce siècle.

La Dalmatie compte 400,000 habitans, sur lesquels les statistiques officielles estiment le nombre des Italiens à 20,000 tout au plus; on trouve quelques Albanais aux environs de Zara, des Israélites partout. Les quatre-vingt-un centièmes de la population sont catholiques, le reste suit la religion grecque non unie. La province a une véritable autonomie. Elle dépend de Vienne et non de Pesth, privilège dont elle sait le prix. Elle possède à Zara et dans ses principales villes un ensemble complet de services publics. Le lieutenant-général, représentant du pouvoir central, gouverne d’accord avec la diète. Cette assemblée est composée de 43 membres, divisés ainsi qu’il suit : membres de droit, l’archevêque catholique de Zara et l’archevêque grec, députés des grands censitaires, députés des villes, députés des campagnes; jusqu’à ces derniers temps il fallait ajouter à cette liste deux délégués des chambres de commerce. La loi donne dans les élections une part aux intérêts populaires, tout en maintenant un privilège à l’égard de la fortune et des principes conservateurs. Ces dispositions compliquées assurent à la province une représentation indépendante, qui est la véritable expression des idées du pays. Les comptes-rendus des séances de la diète, publiés in extenso, témoignent de son activité. Une commission provinciale assiste le gouverneur dans l’intervalle des sessions. La diète envoie cinq de ses membres à la chambre des députés; la Dalmatie a deux représentans dans la chambre haute. La province est divisée en capitaineries circulaires et en commissariats, sortes de districts qui répondent à nos arrondissemens. Les conseils municipaux administrent les communes. Les impôts ne sont pas excessifs; la Dalmatie paie environ par année 2 millions de florins, et en coûte à l’Autriche 2 millions 1/2.

On ne se plaint pas dans ce pays des fonctionnaires; polis, honnêtes, concilians, ils sont formalistes, timides, toujours retenus par la peur d’engager leur responsabilité, embarrassés par les rouages trop nombreux d’une administration dont les employés, dit M. Lago, sont au nombre de 15,000, rendus plus incertains encore par les changemens continuels de ministère. L’administration autrichienne n’a pas cette passion qui, par amour du bien public, renverse les obstacles, stimule les courages, ne se repose jamais. L’instruction est insuffisante. Les Dalmates parlent italien : il n’y a pas d’université dans l’empire où ils puissent aller étudier, il leur faut se rendre à Zagabria, — les facultés y sont encore incomplètes et l’enseigne-