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mari, d’entreprendre un commerce, même séparée de biens. Nous ne tranchons pas ces questions délicates. C’est à la discussion de montrer dans quelles limites sont possibles les extensions de droits qu’on réclame. Le passé nous montre d’immenses progrès accomplis au profit des femmes dans ces questions à la fois économiques et morales. La dot elle-même en fut un des plus décisifs. Elle a inauguré leur affranchissement. Quel pas aussi a fait l’égalité des filles et des enfans mâles devant l’héritage dans le droit moderne! Il n’appartient à personne de prononcer que cette carrière soit achevée; il suffit d’écarter les folies compromettantes.

Faut-il suivre les réclamations émancipatrices dans le champ du travail et de l’industrie? Pourquoi leur laisserions-nous le privilège de certains vœux légitimes et le soin de chercher des remèdes à des maux trop réels? Quel cœur ne s’est ému des souffrances de la femme? Ne sont-ce pas des publicistes, des économistes qui, sans invoquer de grands mots trompeurs, se sont dévoués à signaler le mal, à le décrire, à chercher les moyens de le combattre? Il y a des émancipateurs de la femme qui veulent l’affranchir même de la loi du travail. Ils la relèguent dans la famille, comme si toutes avaient une famille, et comme si celles qui y vivent n’étaient pas contraintes plus d’une fois d’y apporter par leur travail un supplément de salaire. S’il est vrai que les hommes usurpent certains emplois, les femmes ne peuvent, sous la loi du travail libre, en être investies qu’à la condition de s’en montrer capables. C’est d’ailleurs aux chefs d’établissement à employer les femmes, lorsqu’ils le peuvent sans préjudice. La loi n’agit directement que pour les administrations publiques où leur part s’est accrue, par exemple dans les postes, le télégraphe, etc., et où elle peut, où elle doit même, selon nous, s’accroître encore. La loi, en favorisant l’instruction qui rend les femmes aptes à plus d’emplois variés dans les travaux mêmes de la main, peut avoir aussi une heureuse influence en diminuant la concurrence exclusive qu’elles se font à leur détriment dans un petit nombre de carrières qu’elles encombrent. Nul doute qu’il n’y ait de ce côté beaucoup à faire; nul doute que les femmes ne puissent être, et, selon toute vraisemblance, ne doivent être appelées à tenir une place croissante dans les professions libérales. On rappelait ici même[1] récemment qu’aujourd’hui le nombre des étudiantes de l’université de Zurich s’élève à 63, dont 51 suivent les cours de la faculté de médecine (44 Russes, 1 Anglaise, 3 Suissesses, 3 Allemandes), et 12 les cours de la faculté de philosophie. Il s’y ajoutait 17 élèves qui ont quitté l’université depuis 1867 sans avoir fini leurs études, et 6 qui ont été reçues docteurs en

  1. Voyez la Revue du 1er août 1872.