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ment que parce qu’ils n’ont pas appris assez à les distinguer par le sentiment.

Le socialisme radical a été le grand véhicule de l’idée émancipatrice; l’ère des revendications hautaines depuis la fin de la restauration, surtout sous le gouvernement de juillet, semble avoir sonné partout. C’est alors qu’on se met avec plus de force et d’ensemble que jamais à attaquer la propriété. On critique amèrement la famille et le mariage. L’austérité de la doctrine des droits ne satisfait plus; seule, la théorie des droits lève fièrement la tête. Sans doute, à d’autres époques on avait, et non sans raison, réclamé des droits nouveaux pour la femme, droits consacrés par la législation de moins en moins dure et exclusive à son égard; mais l’idée radicale de l’égalité du droit absolu, sans distinction de sexe, portant sur toutes choses, n’avait pas encore illuminé les esprits de lumières inattendues. Patience, cela va venir. Les nouveaux théoriciens ne se contentent pas de vouloir améliorer, ils répudient toutes les traditions du passé, tous les enseignemens moraux du christianisme, ces enseignemens devenus l’essence même et la règle de la civilisation moderne. Le saint-simonisme assigne à la femme le rôle que l’on sait dans la famille, si tant est que la famille subsiste encore pour cette école, dans l’état et dans la nouvelle église. Les doctrines communistes, sous prétexte d’agrandir son rôle, ne la dégradèrent pas moins. Le fouriérisme établit sur la fantaisie les rapports des deux sexes. Femme libre, génitrice, courtisane, prêtresse, citoyenne, tout ce que l’on voudra, combien la femme sous toutes ces formes reste au-dessous de l’idéal sévère, modeste et charmant de cette civilisation traitée comme arriérée par ces fiers réformateurs!

L’idée de l’émancipation féminine apparaissait bien aussi dans d’autres manifestations toutes littéraires, dans le roman, au théâtre, qui poétisaient l’amour libre, sanctifiaient l’adultère, et semblaient pour le moins réclamer, quand ils arrivaient à un semblant de conclusion, la facilité pour ainsi dire illimitée du divorce. C’était l’émancipation par la passion, une émancipation qui n’a jamais consacré que la servitude de la femme. Après la femme libre devait venir la femme citoyenne. Après tout, si l’idée était fausse, elle n’avait en soi rien d’immoral. Malheureusement les moyens employés parurent pires que le but. Nos clubs féminins, en discutant sur les droits de la femme en 1848, puis en 1868 et dans les années suivantes, nous ont montré ce que peut devenir en France une idée philosophique. Ces gestes épileptiques, ces voix qui plus d’une fois rappelaient les espèces inférieures, ces blasphèmes contre Dieu, cette violence à revendiquer le droit de perdre à la fois tout ce qui fait la pudeur et la grâce de la femme, ressuscitaient les souvenirs des clubs de femmes de 93. On se prenait presque à regretter les saillies gêné-