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ploie d’autres moyens d’action. Tels sont les meetings, soit de circonstance, soit même permanens, comme celui qui s’est donné rendez-vous chaque semaine à l’église de Stamford-Street. C’est là qu’il faut voir M. Thomas Hughes, membre du parlement, M. Fawcett et bien d’autres discourir sur les capacités politiques méconnues de la femme et sur ses droits à venir. C’est là qu’on entendait naguère Mme Taylor s’écrier : « Il y a peu de temps, les apologistes de la servitude en Amérique déclaraient, par de bruyantes vociférations, les nègres impropres à la liberté. L’esclavage fut aboli, et les nègres prouvèrent qu’ils étaient aptes à la liberté ; abolissez l’incapacité électorale des femmes, elles prouveront elles-mêmes leur aptitude aux franchises! » Dans un autre meeting, Mme Grote disait : « Dans votre dernier bill de réforme, vous avez investi d’un pouvoir représentatif plus étendu les classes ouvrières qui ne possèdent pas de propriétés et vivent de leur travail; vous n’avez pas trouvé juste que la propriété fût en possession de tout ce pouvoir. Je pense que c’est une raison de plus d’accorder aussi les mêmes franchises aux femmes qui occupant la position du citoyen et en supportent les charges, qui paient l’impôt et ont toutes les responsabilités qui s’attachent à la propriété. » — « Le droit de suffrage, disait M. Robert Anstrüther, baronnet, accroîtra le sentiment de responsabilité de la femme, étendra le cercle de ses intérêts, et lui donnera un accroissement de vigueur pour le développement de ses facultés. » Mme Fawcett s’attachait à réfuter l’accusation faite au suffrage des femmes d’offrir trop de chances aux opinions ultra-conservatrices. Lord Amberley réclamait leur vote au nom de leur compétence dans les questions d’assistance, de charité, d’économie sociale.

Cette propagande des meetings se complète elle-même par l’emploi de moyens plus pratiques. Greffer une réforme qui constitue une réelle et grande innovation sur un vieux texte de loi est, on le sait, un expédient cher à nos voisins. Ils concilient par là le respect de la tradition avec la satisfaction donnée aux besoins nouveaux. Or le parlement en 1851 a déclaré que le mot homme, employé dans les lois, s’étend également à l’autre sexe. C’est ainsi que quelques-uns soutiennent chez nous qu’il faut, toutes les fois que le code civil écrit Français, lire Françaises également. Cette interprétation légale est devenue en Angleterre le point de départ des réclamations des femmes qui veulent être admises à l’exercice des droits électoraux. Plus de cinq mille réclamations se sont produites à Manchester. Dans d’autres villes, les contrôleurs, overseers, ont admis ou rejeté ces réclamations selon leur opinion personnelle. Les hommes de loi chargés de réviser les listes, revising barristers, ont à leur tour décidé, sauf appel, si les réclamantes figureraient