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Depuis la conclusion du traité d’union, chacun des signataires de la convention avait affecté un rôle différent. Henri III parut complètement converti à l’acceptation des faits accomplis, et, dissimulant avec une habileté consommée le fond de sa pensée, il attendit l’occasion opportune de reprendre le pouvoir qu’il avait perdu; il dit et répéta qu’il avait oublié le passé, parla de Henri de Guise dans le meilleur langage, et voulut recevoir sa visite à Chartres pour cimenter la réconciliation. Le duc de Guise, de son côté, affecta la plus parfaite liberté d’allure et la plus absolue confiance dans la parole du roi; mais il poursuivit la conduite de ses intérêts avec une rigueur aussi polie qu’inexorable. L’invitation de se rendre à Chartres lui donna pourtant à penser. Il est curieux de l’entendre s’en expliquer avec Mendoza. Il avoue qu’il ne pouvait s’expliquer l’attitude nouvelle du roi que par une extrême dissimulation, mais plus grande que les esprits français ne la peuvent couvrir, ou bien une merveilleuse mutation de volonté, et comme un monde nouveau. Et cependant il regarde comme un devoir chevaleresque de répondre à l’invitation du roi. Mendoza écrivait à ce sujet au roi d’Espagne : « Mucius m’ayant fait demander une entrevue avant son départ, j’ai été le trouver pendant la nuit. Il m’a dit que le roi insistoit beaucoup pour qu’il allât le rejoindre, et que ce seroit honteux, aujourd’hui que la paix étoit conclue, de lui témoigner, en le refusant, une méfiance trop ouverte; c’est pourquoi il étoit résolu de se rendre aux instances de ce prince plutôt que de se faire soupçonner de foiblesse ou de pusillanimité. D’ailleurs il ne falloit pas s’exagérer le danger. La suite qu’il emmèneroit avec lui et les amis qu’il étoit sûr de rencontrer à la cour lui composoient des forces supérieures à celles de ses ennemis et le mettoient en mesure de braver toutes les tentatives ouvertes contre sa personne. Le seul et véritable danger à courir pour lui ne pouvoit exister que dans le cabinet du roi, où l’on n’est admis que seul, et où ce prince avoit toute facilité de le faire attaquer et mettre à mort par une dizaine ou une vingtaine d’hommes apostés dans ce but; mais ce danger lui-même étoit peu à craindre, parce qu’il ne paroissoit guère possible de tout disposer pour l’exécution d’un pareil projet sans qu’il en transpirât quelque chose, et infailliblement si ce complot existoit, Mucius en seroit averti par les amis personnels qu’il avoit auprès du roi... Il compte beaucoup sur le dévoûment à sa personne du secrétaire Villeroy, sans la participation duquel le ro ne sauroit exécuter une résolution quelconque. » Cette lettre est du 9 août; le meurtre de Blois est du 23 décembre.

Le duc de Guise partit donc pour Chartres en compagnie de la reine-mère, du cardinal de Bourbon et d’un grand nombre de sei-