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heurs, l’ouvrage de M. de Hübner nous apporte des documens nouveaux et curieux qu’il a puisés aux sources originales, avec le soin et l’exactitude qui le distinguent. Il a trouvé à Paris dans notre riche Bibliothèque nationale et dans la curieuse collection de Harlay qui s’y trouve déposée les correspondances relatives à cette négociation, à laquelle prit grande part le nonce Morosini, dont nous avons déjà parlé. Ce dernier avait proposé sa médiation au duc de Guise, qui l’avait acceptée avec réserve. « Arrivé à la cour errante de Henri III, dit M. de Hübner, Morosini ne trouva le terrain que trop favorable à des transactions. Le spectacle d’un désarroi complet s’offrit à ses regards. La peur et l’outrecuidance alternaient, mais la peur finissait toujours par l’emporter. Tout laissait donc entrevoir que, quelles que fussent les prétentions des coalisés, Henri finirait par les subir. Aussi le représentant du saint-siège put-il retourner à Paris, porteur de la promesse du roi de bailler audit seigneur de Guise les charges principales pour faire la guerre aux huguenots. M. de Villeroy le suivit de près avec mission de régler les détails et de rédiger l’acte de réconciliation; mais il ne s’agissait plus de réconciliation. La rébellion victorieuse demandait purement et simplement la soumission de la couronne. Le duc de Guise ne voulait plus entendre parler des conditions qu’il avait acceptées dans sa première entrevue avec le nonce; émettant de nouvelles prétentions que celui-ci jugea inacceptables, il prit l’attitude d’un homme qui est maître de la position et qui dicte la loi. De son côté, compromis vis-à-vis la cour de France et mortifié du procédé, Morosini se retira des pourparlers et communiqua aisément au pape Sixte-Quint le dépit qu’il éprouvait. « Ils sont mauvais, s’écria le pape en parlant des ligueurs, mauvais et de douteuse volonté. » Sixte-Quint envoya quelques paroles fortifiantes pour le roi vaincu; mais le péril devenait plus menaçant d’heure en heure, et Henri de Valois, de plus en plus intimidé, passa sous les fourches caudines et signa tout ce qu’on voulut lui imposer.

M. de Hübner nous révèle encore d’autres actes de Sixte-Quint qui modifient les jugemens reçus sur ce pape et le caractère de son intervention dans les affaires de France. Les Espagnols avaient deviné juste à son endroit, le pape était un ami de la France. Peu de jours avant de signer l’humiliant traité d’union, Henri III avait fait entendre à Rome un long cri de douleur, exposé ses embarras, son désespoir. Il demanda au saint-siège des secours, tout en exprimant ses hésitations sur le parti à prendre, laissant même entrevoir les résolutions les plus contradictoires, la paix ou la guerre, soit avec les huguenots, soit avec la ligue. Il demanda l’envoi d’un légat à Paris et députa le cardinal de Gondi à Rome pour solliciter cet acte éclatant duquel il attendait les meilleurs effets sur l’opi-