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nière dont s’exprime Mucius, qui parle réellement en maître, disait Mendoza, il y a lieu de croire que le roi traitera avec lui, au grand profit de la ligue... Au reste, nous ne le pressons pas de conclure ces négociations, parce qu’il me paraît plus utile au service de votre majesté d’avoir l’œil sur ce qui se passe autour de nous... Nous ne le pressons pas davantage de rompre, parce que dans ce cas il faudrait lui payer le restant des 300,000 écus, » dont le duc n’avait encore pu obtenir que 70,000[1]. Le fameux traité d’union du 15-20 juillet 1588 fut donc arraché à la faiblesse résignée d’Henri III. C’était le triomphe absolu de la ligue, la consécration de la victoire des barricades; le traité de Nemours était confirmé dans tous ses points. Henri de Navarre était exclu du trône, dont le vieux cardinal de Bourbon demeurait héritier présomptif, ce qui réservait à un avenir prochain la solution de la question dynastique. Le duc de Guise parvenait au commandement généra! des armées avec les vieilles prérogatives de la connétablie[2]. Il avait peine à croire aux concessions qu’il obtenait[3].

Selon le rapport de l’ambassadeur espagnol, la cause catholique devait retirer de tels avantages des arrangemens convenus qu’il y avait lieu de craindre que le roi ne fit naître pour l’exécution toutes les difficultés imaginables, dans la pensée de persuader à tout le monde que le traité était inexécutable, et qu’on l’avait forcé de promettre ce qu’il n’était pas en son pouvoir de tenir. » Il en résultera que Mucius et ses amis, ns pouvant ni continuer la guerre contre les huguenots, ni recommencer les hostilités contre le roi, verront nécessairement diminuer leurs ressources et leurs forces s’affaiblir, à moins qu’on ne vienne à son secours et qu’il ne rompe de nouveau avec la cour. C’est ce qu’il fera sans doute, comptant sur le secours que votre majesté lui a promis. » Et en effet nous lisons dans la même dépêche que, par des engagemens secrets et particuliers, uns prestation permanente était promise au duc pour se maintenir en situation de briser avec la cour et de retrouver ses avantages en cas de désaccord ultérieur avec le roi. Le malheureux Henri III, si peu estimable, si peu digne de considération qu’on le tienne, n’en inspire pas moins de l’intérêt à le voir ainsi traqué par l’ambition et la cupidité conjurées. Pourquoi la pensée se porte-t-elle vers le crime auquel il eut recours pour se délivrer d’un joug devenu intolérable?

Sur la conclusion de ce traité néfaste, source de tant de mal-

  1. Le duc avait été obligé d’emprunter 200,000 écus sur son crédit particulier pour faire honneur à tous ses engagemens. Dépêche de Mendoza du 24 juillet.
  2. Voyez ce traité dans les Mémoires de Nevers, t. Ier, p. 725-29 et ailleurs.
  3. « J’ai vu Mucius cette nuit, dit Mendoza. Il ne croit pas un mot de l’intention exprimée d’accéder à ses demandes. »