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assurés. L’Internationale n’est pas mieux organisée. L’échec à la royauté fut si complet qu’elle fut obligée à jour donné de tenir pour approuvés les articles de l’union, et de permettre, notamment le 12 janvier 1579, « aux sujets de la bonne ville et cité de Paris d’exécuter ce qui est porté par iceux et octroyé de lever les deniers nécessaires[1]. » Un gouvernement de désordre fut donc substitué par le traité de Nemours au gouvernement régulier de l’état; l’histoire de Paris et de nos provinces pendant cette lugubre période en porte le déplorable témoignage.

Quels ont été les promoteurs audacieux de cette conspiration? Philippe II et la maison de Guise; nous ferons connaître plus tard leurs agens secondaires. Quel était l’objectif déterminé des conjurés en 1585? La couronne de France, pour laquelle le roi d’Espagne et les Guises se réservaient un débat ultérieur d’attribution. L’espérance subsidiaire de chacun était au moins le partage du territoire et le démembrement de la France. Les part-prenans étaient déjà connus. Le duc de Savoie s’appropriait la Provence, où les ligueurs du pays le proclamèrent héritier des anciens comtes; il a gardé la ville d’Aix à ce titre pendant plus d’un an. On désintéressait l’Angleterre par l’offre de la Normandie. On faisait même leur part aux princes Bourbons; mais la correspondance de Philippe II prouve que, dans ses desseins du moins, c’en était fait de l’unité française[2]. Ainsi la ligue a commencé par être seulement anti-calviniste; la passion l’a conduite à être anti-dynastique; et la haine dynastique l’a poussée à être anti-française. Dans ces trois phases de son histoire, elle nous présente un composé singulier d’intolérance religieuse empruntée à l’Espagne et de fureurs politiques empruntées à la querelle des deux roses en Angleterre. Nous n’avons point eu Marguerite d’Anjou, comme les Anglais, mais nous avons eu Henri de Navarre, ce qui a mieux valu pour la France.

Toutefois, avant que la cause de ce prince eût prévalu, que de malheurs accumulés! L’administration royale, quelque défectueuse qu’elle fût alors, était bienfaisante, ordonnée, et répondait à sa mission. Elle fut dissoute par l’organisation de la ligue. Les gouverneurs de provinces s’érigèrent en satrapes et n’obéirent qu’aux factions, car, si l’on eut la ligue catholique, on eut aussi la ligue réformée. L’administration de la justice, qui avait fait l’honneur de la France, fut pendant dix ans corrompue dans sa source : on rechercha pour l’appliquer non le droit de chacun, mais son parti; et

  1. Voyez les Mémoires de Nevers, t. Ier, p. 627-29.
  2. Voyez dans l’Histoire de la ville d’Aix, par de Haitze, 1666, in-fol., p. 349, une dépêche interceptée du duc de Savoie où ce prince parle à Philippe II « de la belle occasion qui se présente de ne plus laisser réunir ce royaume sous un seul chef. »