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lemagne presque entière. Sans doute, des conseillers comme les comtes de Bocholz, grand-maître des cérémonies, de Witzleben, ancien grand-veneur de Guillaume, de Meerveldt, ancien sacristain noble du noble chapitre d’Hildesheim, étaient là surtout pour la montre; mais l’aristocratie elle-même avait fourni de bons administrateurs, comme le Waldeckois von Reinecke, les Hanovriens de Meding et de Patje, le Hessois von Malsburg. Le baron de Berlepsch, également Hanovrien, était depuis longtemps sympathique aux idées françaises; c’est ce qui l’avait fait destituer par l’ancien gouvernement anglo-hanovrien de sa présidence à la cour aulique. On le représente comme caustique, spirituel, frondeur de tous les gouvernemens. Son mémoire de 1811 sur la situation financière du royaume, et qu’il a reproduit dans ses Beitrœge (matériaux pour l’histoire économique de la Westphalie), n’indique pas qu’il fût « sans conséquence. » Dans le conseil d’état, on trouvait encore un Leist, professeur de droit à l’université de Gœttingen, un Jean de Müller, à qui son Histoire générale et son Histoire de la Suisse ont fait une réputation universelle, un Martens, professeur de droit des gens à Gœttingen, auteur de tant de recueils diplomatiques de la plus haute importance, un Dohm, célèbre par ses Mémoires, son Histoire de la révolution de Liège, ses brochures sur la ligue des princes et surtout par la confiance dont l’avait honoré le grand Frédéric, qui en avait fait son ministre; ennemi de la France jusqu’en 1806, il avait été un de ceux qui avaient poussé la Prusse à la fatale guerre d’Iéna. A côté de lui, on s’étonne de voir siéger un autre fougueux ennemi des Français, Schulenburg-Kehnert, qui avait été gouverneur de Berlin en 1806, le même qui dans sa proclamation aux Berlinois avait déclaré que à la tranquillité est le premier devoir du bourgeois. » Enfin, parmi les jeunes auditeurs au conseil d’état, on voyait un Jacob Grimm, alors âgé de vingt-trois ans, et qui devait être l’auteur de tant de belles recherches sur l’ancienne langue et l’ancienne littérature de la Germanie.

Assurément cette institution française du royaume de Westphalie, autour de laquelle se sont groupés tant d’hommes distingués et tant de grands noms littéraires de la Germanie, ne mérite pas la légèreté affectée avec laquelle en ont parlé la plupart des écrivains allemands. On peut s’égayer aux dépens du « carnaval du roi Jérôme; » mais il faut prendre plus au sérieux les institutions qui s’élaboraient dans ce conseil d’état de Westphalie entre un Siméon et un Martens, un Dohm, un Jean de Müller.


ALFRED RAMBAUD.