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pétens : on se promettait de leurs discussions avec les députés des lois claires, simples, équitables, qui mettraient fin à l’arbitraire des juges et aux chicanes des avocats. Enfin on ne pouvait nier que pour la première fois, dans des limites infiniment trop restreintes sans doute, les députés non des ordres privilégiés, mais de toutes les classes moyennes et supérieures, allaient prendre une part di- recte à la confection des lois.

C’est au milieu de l’attention et de la curiosité publiques que, le 2 juillet 1808, eut lieu, dans la salle de l’Orangerie, l’ouverture du Reichstag westphalien. Du reste, ces états ne se réunirent que deux fois, en 1808 et en 1810. Lors de la session de 1808, on n’avait pas encore eu le temps d’inventer un uniforme pour les députés; c’est dans la seconde session seulement qu’ils parurent avec ce bizarre costume de théâtre, moitié romain, moitié espagnol, tout à fait dans le goût étrange du directoire et de l’empire. Une sorte d’habit de drap bleu avec des broderies de soie orange, une écharpe de soie blanche, un manteau de soie bleue, doublé de blanc, avec des broderies orange et un collet de soie blanche, une manière de chapeau ou de toque à la Henri IV avec une énorme plume d’autruche, au côté une épée à garde dorée, ornée de l’aigle de Westphalie, telles étaient les pièces essentielles de ce déguisement parlementaire. Le costume était ridicule, mais il pouvait avoir son utilité : il servait à confondre sous le même uniforme nobles et bourgeois, seigneurs et paysans. Plus d’un vilain de la Hesse ou du Brunswick, fièrement drapé dans son manteau de soie bleue, avait aussi bon air que son patron ou son maître de la veille. Le mal était que ces oripeaux coûtaient fort cher : 140 thalers étaient une grosse somme pour un paysan et même pour c un savant ou un artiste distingué. » Le trésor royal fit la dépense pour un certain nombre de députés; mais pouvait-on voter avec indépendance sur les propositions du roi, lorsqu’on était vêtu par lui? L’article 29 de la constitution portait que les membres des états ne recevraient pas de traitement; cependant le roi établit que chacun d’eux aurait une indemnité de 18 francs par jour, plus les frais de voyage.

La session de 1808 s’ouvrit avec une solennité exceptionnelle. Dans la salle de l’Orangerie[1], une tribune avait été réservée à la reine Catherine et à ses dames. Sur des banquettes vint s’asseoir un public choisi. Les conseillers d’état, en costume, siégeaient sur deux bancs en avant des députés. Les députés étaient rangés par département. Le roi, amené jusqu’à l’orangerie par une brillante escorte de cavalerie, fit son entrée dans la salle, entouré de ses

  1. En 1810, ce fut dans le bâtiment du Muséum, sur la place Frédéric, qui devint le « Palais des États. »