Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 101.djvu/625

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

contraire sera toujours obligée d’entretenir 100,000 baïonnettes pour étayer un trône sans importance (1809). » Ordinairement Napoléon ne répondait rien aux doléances de son frère. Quand elles allaient jusqu’à la menace d’abdication, comme en 1812, il faisait simplement passer à son ministre auprès la cour de Cassel une note ainsi conçue :


« Le roi s’est trompé, s’il a pensé que l’espèce de menace qu’il a cru devoir mêler à ses plaintes pourrait influer sur les déterminations de sa majesté. Il doit trop bien la connaître pour ne pas savoir que, s’il venait à prendre le parti qu’il vous a annoncé, elle pourrait le regretter à raison de l’amitié qu’elle lui porte, mais que ce ne serait pas un embarras pour elle que d’avoir un état de plus à gouverner. C’est dans ce sens qu’elle veut que vous vous en expliquiez (5 janvier 1812). »


« Je ne sais si je suis roi, prince ou sujet, » s’écriait parfois Jérôme au désespoir. Ce mot pourrait servir d’épigraphe à toute l’histoire de la Westphalie.


IV.

L’année 1808 vit dans chacun des huit départemens westphaliens le collège électoral, composé de 200 membres nommés par le roi, se réunir sous la surveillance d’un président également nommé par le roi. Il s’agissait d’élire les députés aux états de Westphalie. Le scrutin était secret, condition nécessaire pour assurer quelque indépendance au vote en un pays où les liens de dépendance et de clientèle, abolis par la loi, subsistaient dans les mœurs. Dans l’une de ces réunions, un électeur, probablement un « aristocrate, » se permit une assez mauvaise plaisanterie aux dépens de l’article 29 de la constitution. Ayant à choisir un député dans la catégorie « des savans, des artistes les plus distingués, etc., » il choisit, sous la protection du scrutin secret, le paysan le plus illettré de son village. — Néanmoins les Westphaliens, d’après les témoignages les moins favorables à la royauté napoléonienne, commençaient à s’intéresser vivement à la nouvelle constitution. Dans les cafés et les cercles de Cassel, avec toute la prudence qu’inspirait la crainte des observateurs de police, on en discutait les avantages et les inconvéniens. Beaucoup louaient cette simplicité de conception et de rédaction qui contrastait avantageusement avec le fatras de lois, de coutumes et de règlemens qui constituait le droit public dans la plupart des états de l’Allemagne. On s’étonnait de cette singulière disposition qui donnait aux orateurs du conseil d’état et des commissions un auditoire de législateurs muets; mais on savait que le conseil d’état était du moins composé d’hommes distingués et com-