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tout autre façon les « lois de la guerre. » Après la répression de la révolte, on forma des soldats hessois les moins récalcitrans deux régimens, à 300 hommes d’abord, sous les colonels Schraidt et Müller, ancien officier électoral.

L’insurrection hessoise avait eu un certain retentissement dans les pays voisins. Dans le duché de Brunswick, le gouverneur-général Loison reçut l’ordre d’exécuter le décret du 23 octobre et d’envoyer en France les officiers de l’ancienne armée brunswickoise qui ne voudraient point passer au service de la France. Cependant le Brunswick, de mœurs plus douces et plus polies que la Hesse, montra moins d’hostilité; mais beaucoup de malheureux soldats, que le licenciement de leur armée avait privés de tout moyen d’existence, se réunirent par bandes et infestèrent les grandes routes. Plusieurs durent être fusillés comme brigands.

Les événemens de Cassel ne furent pas étrangers aux sévérités que Napoléon déploya contre la ville westphalienne, ci-devant prussienne, de Halle. Elle devait son illustration à l’université fondée en 16S8-1694 par le souverain de Prusse Frédéric Ier. En 1806, elle était à son plus haut point de prospérité. Les philosophes Wolf, Schleiermacher, Steffens, les médecins ou physiologues Reil, Sprengel, le théologien Niemeyer, y avaient attiré une nombreuse population d’étudians. Halle fut très maltraitée dans le combat du 17 octobre 1806, où fut battue la réserve prussienne sous Eugène de Wurtemberg : elle avait même été un peu pillée par les éclaireurs et les maraudeurs de l’armée avant l’arrivée des corps réguliers. L’entrée de Napoléon eut lieu le 19 octobre. Les étudians, qui s’étaient pressés sur son passage, le considéraient avec curiosité, sans haine, mais sans démonstrations sympathiques. Napoléon remarqua que ces jeunes gens ne le saluaient pas. L’un d’eux, interpellé par lui, l’avait dans son trouble traité de monsieur. Enfin dans la soirée quelques-uns d’entre eux, attablés dans un cabaret en face de la maison Meckel, où l’empereur était descendu, firent entendre, dit-on, des pereat. Napoléon se montra fort irrité, contre les professeurs plus encore que contre les étudians. Le fondateur des lycées impériaux ne pouvait rien comprendre à la liberté d’allures et de manières qui caractérisait la jeunesse des universités allemandes. Il prétendit que les étudians avaient combattu dans les rangs prussiens : cela n’était vrai que pour deux jeunes nobles, qui n’avaient pas de goût pour la philosophie et avaient préféré s’engager. Les universités de 1806 n’étaient point encore celles de 1813. Napoléon écrivit cependant à Berthier : « Mon cousin, faites donner des ordres pour que l’université de Halle soit fermée, et que sous vingt-quatre heures les écoliers soient partis pour leur demeure. S’il s’en trouve demain en ville, ils seront mis en prison