Page:Revue des Deux Mondes - 1872 - tome 101.djvu/612

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

troupes françaises. Le général Barbot, envoyé en toute hâte par Lagrange, était allé ramasser sur le Rhin et sur le Mein des détachemens de la garde de Paris, quelques compagnies d’infanterie, un bataillon de chasseurs badois, en tout 3,000 hommes. La terreur succéda aussitôt à l’exaltation; les plus compromis commencèrent à gagner la frontière. A Allendorf, où l’insurrection avait pris naissance, les soldats révoltés furent désarmés par les bourgeois; à Eschwege, où elle avait eu son principal développement, elle finit de la même façon. Surexcités par un message de Lagrange, qui menaçait de réduire la ville en cendres, les citoyens prirent d’assaut le corps de garde et en chassèrent les rebelles. Le surlendemain (4 janvier), Barbot, qui arrivait avec 2,000 hommes, trouva la besogne toute faite. Il se contenta de se faire livrer quelques réfractaires, d’indemniser le maquignon alsacien, et d’exiger pour ses hommes des souliers et des vêtemens. Un détachement italien envoyé à Smalkade en ramena également quelques prisonniers. La plus coupable de toutes ces villes, c’était Hersfeld : les bourgeois avaient pris parti contre les Français; un de nos soldats avait été tué. A la suite d’une enquête sévère, Barbot fit raser la maison d’où le coup de feu avait été tiré, et fusilier un des insurgés. On fit une battue de réfractaires dans les villages voisins. Enfin on érigea des cours martiales qui condamnèrent deux autres révoltés à la peine de mort : Triebfürst, le sous-officier, et un nommé Wentzel, de Germerode, qui s’était proclamé « général des paysans. »

Une maison rasée et trois exécutions capitales parurent à Lagrange une expiation suffisante d’une révolte qui avait pourtant mis en péril la domination française dans la Hesse électorale et compromis les communications de la grande armée avec Mayence. L’empereur, alors à Varsovie, ne l’entendait pas ainsi. Aux premières nouvelles expédiées par Lagrange le 26 décembre, il répondit (8 janvier 1807) : « Mon intention est que le principal village où est née l’insurrection soit brûlé, et que trente des principaux chefs soient passés par les armes; un exemple éclatant est nécessaire pour comprimer la haine des paysans et de cette soldatesque. Si vous n’avez aucun exemple, faites-en un sans délai... Que le mois ne se passe pas sans que le principal village, bourg ou petite ville qui a donné le signal de l’insurrection soit brûlé et qu’un grand nombre d’individus ait été fusillé... Il faut laisser des traces dans les cantons qui se sont révoltés... Trente des principaux coupables fusillés, deux ou trois cents envoyés dans des citadelles de France... Les actes de vigueur sont humains en ce qu’ils empêchent la renaissance de nouvelles séditions. » C’était la fameuse théorie de répression que Napoléon a si souvent développée à Murat pour